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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/155

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— Il s’est dit envoyé par toi, mon ami.

— Il ment !

— Il m’a demandé de ta part, de lui remettre le coffret renfermant tes légendes de famille.

— Ah ! mon révérend, la compagnie de Jésus n’oublie rien et ne perd jamais la piste de ceux qu’elle veut atteindre ! — dit Jean Lebrenn ; et d’un geste menaçant, indiquant la porte au jésuite : — Misérable, sortez !

— Pas encore, — répond le révérend se redressant, et indiquant à son tour du geste à Jean Lebrenn la présence du commissaire de la section, apparaissant au seuil de la porte, accompagné de plusieurs agents.

— Que la maison soit fouillée de la cave au grenier, — dit le magistrat. Puis s’adressant à Jean Lebrenn et lui remettant un papier : — Citoyen, voici un mandat d’arrêt décerné contre toi ; j’ai, de plus, l’ordre de mettre les scellés sur tes papiers et de les transporter au greffe du tribunal révolutionnaire.

— Ce coquin de Fouché m’a tenu parole, — se dit le jésuite Morlet. — Maintenant il s’agit de mettre la main sur cette infernale légende. — Et s’adressant tout bas au petit Rodin : — Va rejoindre les agents, et furette partout ; que pas un coin de cette demeure ne soit inexploré ; remarque bien surtout si, dans le jardin ou dans la cave, la terre n’est pas fraîchement remuée à quelque endroit.

— Soyez tranquille, doux parrain, le Seigneur viendra une fois de plus en aide à son indigne petit serviteur. — répond l’affreux enfant ; et il s’éloigne au moment où Jean Lebrenn, après avoir pris connaissance du mandat lancé contre lui, dit au magistrat :

— Je suis prêt à te suivre, citoyen.

— Je dois mettre d’abord les scellés en ta présence sur tes papiers. Ce secrétaire est fermé, que contient-il ?

— Nos livres de commerce, tenus par ma femme. — Et, s’adressant à Charlotte, Jean Lebrenn ajoute : — Amie, ouvre ce meuble, je t’en prie.

La jeune femme, retrouvant la fermeté de son caractère, ne verse plus une larme et se dirige vers le meuble qu’elle ouvre pendant que son mari cherchait à rassurer madame Desmarais, éplorée, sanglotante, et lui disait : — De grâce, chère belle-mère, calmez-vous, ne craignez rien.

— Ne rien craindre, lorsque vous allez être traduit devant le tribunal révolutionnaire, mon pauvre ami. Hélas ! c’est la mort !

— Pas toujours : n’a-t-on pas vu de nombreux acquittements ?