Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/161

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on doit se livrer aux plus minutieuses recherches, afin de découvrir ces légendes, dont la compagnie de Jésus a déjà plusieurs fois tenté la destruction.

Jean Lebrenn est interrompu par une exclamation de joie et de surprise de madame Desmarais, s’écriant : — Que vois-je ? mon frère ! — Et courant au-devant du financier, qui vient d’entrer précipitamment dans le salon : — Hubert ! toi ici !… tu es donc libre ?

— Oui ! libre ! — répond M. Hubert, embrassant sa sœur avec effusion. — Ma première visite est pour toi. Les prisons sont ouvertes, et tous les royalistes suspects élargis [1] font place aux brigands, aux terroristes. Chacun son tour… morbleu ! et…

— Ah ! mon frère ! — dit vivement madame Desmarais essuyant ses larmes, — tu oublies que nous sommes chez mon gendre Jean Lebrenn, et tu ignores qu’on vient l’arrêter ?

— Qu’entends-je ? — répond M. Hubert, n’ayant jusqu’alors remarqué ni Jean Lebrenn ni l’avocat. — Serait-il vrai ? — Puis, avisant le jeune homme et lui tendant la main : — J’ignorais le malheur qui vous frappe, monsieur Lebrenn, je sais quel généreux intérêt vous m’avez toujours porté ; et si je puis à mon tour aujourd’hui vous…

— Me protéger, — reprend Jean Lebrenn avec un sourire amer, — je vous rends grâce, citoyen Hubert : la république a été frappée cette nuit d’un coup terrible, mais enfin elle n’est pas tout à fait morte, je l’espère…

— La république, délivrée de tous les brigands qui lui tenaient le couteau sur la gorge est à jamais affermie, citoyen Hubert, — dit Desmarais, — votre sortie de prison prouve qu’il n’y a plus désormais qu’un parti, celui des honnêtes gens, des amis de l’ordre. Ah ! grâce au 9 thermidor, le temps des saturnales révolutionnaires et de la sanglante tyrannie des terroristes est passé ; bientôt leur sang impur aura coulé à flots sur l’échafaud, à l’applaudissement des bons citoyens ; et sur ce, beau-frère, au revoir, — ajoute l’avocat en sortant, ayant, malgré son ignoble effronterie, hâte de fuir la présence de sa femme et de sa fille.

Le commissaire a reçu le rapport de ses agents ; l’on n’a découvert aucun papier dans les meubles de la maison ou dans l’atelier de

  1. Le premier soin des royalistes de la convention, le lendemain du 9 thermidor, fut non point de décréter la mise en liberté des suspects, mais d’aller, eux-mêmes, faire ouvrir les prisons, d’où sortirent alors une foule de prêtres réfractaires et de contre-révolutionnaires acharnés.