Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/173

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de notre sol par la sublime tourmente de 1793, mais ce rejeton sans durée, sans vie, sera flétri, se flétrira en un matin. » Seule, la tradition républicaine, qui remonte au berceau de la Gaule antique, a jeté dans le peuple, depuis 1793, des racines vivaces, profondes, indestructibles. La république n’a-t-elle pas continué de s’affirmer ? N’a-t-elle pas protesté contre le consulat de Bonaparte par la conspiration de Topino Lebrun et d’Aréna, dont le généreux sang a coulé sur l’échafaud ? N’a-t-elle pas protesté contre l’empire par la fondation de la société secrète des Philadelphes, qui avait pour chef le célèbre colonel OUDET, grand homme de guerre, conspirateur infatigable, penseur profond, et cependant doué de toutes les grâces, de toutes les séductions de la jeunesse ; une mort mystérieuse le frappant à la fleur de l’âge, la société secrète dont il était l’âme, en haine du despotisme impérial, tomba peu à peu en dissolution ; mais plus tard vint la conspiration du général Mallet, jacobin exalté. Enfin, la république n’a-t-elle pas protesté contre la restauration par plusieurs conspirations, entre autres celle dont les quatre sergents de la Rochelle furent l’incarnation héroïque ? N’a-t-elle pas protesté par la charbonnerie, où a toujours dominé l’élément républicain, représenté par Godefroy Cavaignac (fils du régicide), Carrel, Guinard, Barbès, Charras, Hingray, Arago, Marchais, Bastide, Grandmesnil, Buchez, Thomas, en outre, Lagrange (de Lyon), et tant d’autres, qui ont vivement protesté par la parole et protesteront plus tard par les armes, s’il le faut, contre la royauté bâtarde de Louis-Philippe, due surtout à la déplorable complicité de La Fayette, complicité que ses remords tardifs n’expieront jamais, pas plus qu’ils n’ont expié le massacre du champ de Mars auquel il assistait. Je ne le sais que trop, moi, qui ai failli périr dans ce carnage !

Ah ! fils de Joël, ayons-en la ferme assurance, malgré ses éclipses, l’astre républicain rayonnera sur la France, sur le monde, et nos enfants salueront l’avènement des États-Unis de l’Europe, de cette RÉPUBLIQUE UNIVERSELLE prophétisée par Victoria, ma sœur.

Et maintenant, avant de mettre en relief ces trois époques, le 18 brumaire, — les cent-jours, — la révolution de 1830, voyez, fils de Joël, comme elle va promptement, hélas ! s’accomplir, cette prophétie de Robespierre : LA RÉPUBLIQUE EST PERDUE, LES BRIGANDS TRIOMPHENT ! LA REPRÉSENTATION NATIONALE, AVILIE, VERRA LE TRIOMPHE DU DESPOTISME MILITAIRE.

Victime de la coalition des royalistes, des corrompus et des scélérats,