Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/206

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les noms harmonieux des batailles d’Arcole, de Lodi, de Montenotte, étaient dans toutes les bouches, tandis que l’on pouvait à peine prononcer, par exemple, le nom des quatre grandes dernières batailles gagnées par Hoche : Neuwied, — Ukerath, — Altenkirchen, — Diesdoff, batailles où le jeune général témoigna des plus rares qualités stratégiques, et qui lui ouvraient les portes de la capitale de l’Autriche, sans le traité de Campo-Formio. Oui, si paradoxale que cela semble, telle était l’harmonieuse sonorité du nom des victoires du général en chef de l’armée d’Italie, qu’elles volaient de bouche en bouche ; puis, en dehors de la valeur incontestable de ses éclatants succès militaires, les bulletins, les ordres du jour de Bonaparte, rédigés avec une habileté incroyable dans un langage concis, coloré, rehaussé d’une certaine emphase méridionale, exaltaient ses victoires et frappaient, étonnaient les esprits ; enfin, les frères de Bonaparte, prôneurs infatigables de son génie, adroits, rusés, tenaces, mêlés à toutes les intrigues des deux conseils, et disposant de quelques journaux, servaient ses projets ambitieux, en agissant par tous les moyens et incessamment sur l’opinion publique. Hoche, au contraire, sans prôneurs, sans flatteurs, adoré de ses soldats, modeste, austère, désintéressé, probe jusqu’au scrupule, fuyant l’éclat, n’aspirant qu’aux paisibles douceurs d’une vie obscure, après avoir vaillamment servi son pays, Hoche prouvait par l’honnêteté de ses mœurs, par la simplicité de ses goûts, combien il était imbu des vertus et des sentiments d’égalité indispensables aux républiques. Homme de devoir et de foi, n’ambitionnant pour récompense de ses nombreuses victoires que l’antique couronne civique et cette louange d’un laconisme sublime : Tu as bien mérité de la patrie, Hoche, incapable d’exploiter habilement ses triomphes par des bulletins d’une exagération poétique, devait cependant, malgré, ou à cause même de sa modestie, parvenir presque à son insu, mais lentement et sûrement, à être l’un de ces hommes qui, à un moment donné, dominent une époque ; aussi, sans sa mort précoce, son influence contre-balançant celle de Bonaparte lors du 18 brumaire, Hoche, soit à Paris, soit à la tête de son armée, aurait probablement changé la face des choses, sauvé nos libertés, la république, et il serait peut être devenu le Washington de la France.

Un autre général, ardent et sincère républicain, doué du même génie et des mêmes vertus civiques que Hoche, mourut cette même année (1797), et aussi à la fleur de son âge : MARCEAU fut tué à la bataille d’Hochsteinbach, peu de temps après le blocus de Mayence, où il avait déployé, ainsi que dans tant d’autres opérations militaires, le génie