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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/241

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tomber sous votre sabre, moi qui vous ai recueilli orphelin et traité comme mon fils.

LE COLONEL OLIVIER, péniblement affecté. — Ah ! cette pensée est horrible !

Martin rentre en ce moment, et d’un regard semble demander à son ami le résultat de son entretien avec le colonel. Jean Lebrenn répond par un signe de tête tristement négatif.

MARTIN, au colonel. — J’aurais à m’excuser auprès de vous, citoyen, de m’être absenté, si je ne vous avais laissé en compagnie de notre camarade Jean Lebrenn. Je suis à votre disposition. Vouez-vous que nous causions du tableau de bataille que vous désirez me commander ?

LE COLONEL OLIVIER. — Il s’agit d’une charge brillante exécutée par un escadron de mon régiment contre des mameluks de Hussein-Bey ; je pourrai vous apporter, monsieur, un croquis du champ de bataille, dessiné par l’un de mes officiers, et quelques notes prises par moi au sujet de ce fait d’armes.

MARTIN. — Ces documents faciliteront beaucoup mon œuvre, et je pourrai, si vous le désirez, citoyen, commencer le tableau dans un mois (souriant), à moins cependant que je ne sois proscrit ou fusillé.

LE COLONEL OLIVIER. — Pourquoi seriez-vous proscrit ou fusillé, monsieur ?

MARTIN. — Voici pourquoi, citoyen : je suis ainsi que mes collègues du conseil des Cinq-Cents, fermement résolu de défendre, par tous les moyens, la république et la constitution contre les factieux ; mais les défenseurs des meilleures causes peuvent être vaincus ; or, votre général, paraissant se rallier aux conspirateurs, est fort capable, s’il triomphe, d’envoyer les députés républicains à Cayenne ou à la plaine de Grenelle.

LE COLONEL OLIVIER, avec une froideur hautaine. — Monsieur, j’ignore si l’immortel vainqueur de Lodi, d’Arcole et des Pyramides fait partie d’une conspiration ; mais s’il conspire, il a pour complice la France entière, et en ce cas, les factieux seraient ceux-là qui tenteraient de s’opposer au vœu national.

À ce moment entre Duresnel, jadis volontaire dans le bataillon parisien où servait le capitaine Martin à la bataille de Wissembourg. Le colonel Olivier, de plus en plus embarrassé de la présence de Jean Lebrenn, profite de l’arrivée du nouveau venu pour quitter l’atelier ; Martin accompagne le colonel jusqu’à la porte extérieure de l’appartement. Duresnel, après avoir attentivement regardé Jean