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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/254

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La scène suivante se passe le même jour (17 brumaire), dans le salon de LAHARY, membre influent du conseil des Anciens. — Les conspirateurs présents, sont : Lahary, — Boulay (de la Meurthe), — Régnier, — Courtois, — Lemercier, — Cabanne, — Villetard, — Baraillon, — Cornet, — Fargues, — Chazal, — Boutteville, — Vernier, — Frégeville, — Goupil de Préfeln, — Herwyn fils, — Cornudet, — Rousseau, — Délécloy, membres du conseil des Anciens, — Lucien Bonaparte, président du conseil des Cinq-Cents, — et Fouché, ministre de la police. La délibération n’est pas encore ouverte ; les conjurés, divisés en plusieurs groupes, s’entretiennent avec animation. Hubert et l’avocat Desmarais entrent bientôt.

FOUCHÉ, à Hubert. — Arrivez donc, sceptique !

HUBERT. — Moi, sceptique ? Non, parbleu ! je crois en vous comme au diable en chair et en os.

FOUCHÉ. — Flatteur ! Mais enfin vous doutiez de l’effet produit par mes cinquante mille septembriseurs venus de tous les coins de la France, et cachés pour le quart d’heure dans les catacombes ?

HUBERT. — Ce conte me semblait si incroyable !…

FOUCHÉ. — Justement ! l’on n’ajoute foi qu’à l’incroyable ; aussi, mes mouchards de haute et basse volée ont tellement corné cette stupide histoire aux oreilles de ces imbéciles de Parisiens, qu’ils ont fini par trembler à la seule pensée de mes cinquante mille terroristes. Sont-ils bêtes ces badauds, hein ? sont-ils bêtes ? Et voilà pourtant, mon cher, comment se font les révolutions !

HUBERT, riant. — Je comprends : les Parisiens, épouvantés, ne verront de salut que dans la dictature du général Bonaparte, qui, seul, pourra préserver Paris des horreurs de l’incendie, du pillage, du viol et du massacre !

FOUCHÉ. — Ce n’est pas plus malin que ça.

HUBERT. — C’est sans doute beaucoup d’avoir ainsi préparé l’opinion publique, mais ce n’est pas tout, et je vous l’avoue, je me défie de Sieyès.

FOUCHÉ, haussant les épaules. — Il faut, en vérité, éprouver absolument le besoin de se défier de quelqu’un pour se défier de Sieyès, un niais.

HUBERT. — Allons, allons ! Sieyès un niais, ceci n’est pas sérieux.

FOUCHÉ. — Je dirai un niais sérieux, si vous le voulez, mais je le maintiens niais au superlatif. Ce songe-creux législatif, savez-vous ce dont il est persuadé à cette heure dans la sotte infatuation de son superbe mérite ? C’est que tout ce qui se trame aujourd’hui se trame