Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/261

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Le 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799), les membres du conseil des Anciens sont réunis dès huit heures du matin dans la salle de leurs séances. Plusieurs des membres de la minorité républicaine qui n’avaient pas été convoqués, selon le dessein de leurs collègues complices de la conspiration, se sont pourtant rendus à l’assemblée, prévenus par la rumeur publique ; ils forment un groupe et s’entretiennent avec animation au pied de la tribune. Lemercier, président du conseil des Anciens, agite sa sonnette ; le silence se fait, les membres de l’Assemblée regagnent leurs sièges.

LE PRÉSIDENT LEMERCIER. — Messieurs, notre collègue Cornet, président de la commission des inspecteurs, a la parole [1].

CORNET, à la tribune. — Représentants du peuple, la confiance dont vous avez investi votre commission des inspecteurs lui a imposé l’obligation de veiller à votre sûreté individuelle, à laquelle se rattache le salut de la chose publique ; car, dès que les représentants d’une nation sont menacés dans leurs personnes, dès qu’ils ne jouissent pas dans leurs délibérations de l’indépendance la plus absolue, il n’y a plus de corps représentatif, il n’y a plus de liberté, il n’y a plus de république. Votre commission des inspecteurs sait que les conjurés se rendent en foule à Paris ; que ceux qui s’y trouvent déjà n’attendent qu’un signal pour lever leur poignard sur les représentants de la nation, sur les membres des premières autorités de la république.

HUBERT, à part. — Les septembriseurs de ce diable de Fouché… ils font leur chemin…

Les membres du conseil des Anciens qui sont dans le secret de cette comédie infâme poussent des exclamations d’une surprise et d’une crainte simulées. Le silence se rétablit.

CORNET, à la tribune. — En présence du danger qui vous menace, représentants du peuple, votre commission a dû vous convoquer extraordinairement pour vous en instruire ; elle a dû provoquer les délibérations du conseil sur le parti qu’il lui convient de prendre dans cette grande circonstance. Le conseil des Anciens a dans ses mains les moyens de sauver la patrie et la liberté ; ce serait douter de sa profonde sagesse que de penser qu’il ne s’en saisira pas avec son courage et son énergie accoutumés.

MONTMAYON, membre de la minorité. — Il est inconcevable que ni moi, ni plusieurs de mes collègues nous n’ayons été avertis de la convocation de l’assemblée…


  1. Cette séance et les suivantes sont textuellement extraites du Moniteur.