Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/267

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enfin l’armée, dès longtemps étrangère à la chose publique, et réduite au rôle passivement militaire, flattée, exaltée, avec une hostilité profonde par de récentes proclamations du général Bonaparte, était prête à exécuter aveuglément ses ordres. Tels sont les funestes auspices sous lesquels s’ouvre la journée du 19 brumaire.

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Le 19 brumaire an VIII (1799) les membres du conseil des Anciens sont réunis en séance dans la grande galerie du palais de Saint-Cloud sous la présidence de Lemercier, l’un des chefs les plus actifs de la conspiration. La minorité républicaine de ce conseil, cette fois convoquée, est en plus grand nombre que la veille et l’un de ses membres (Savary, de Maine-et-Loire) demande la parole.

LE PRÉSIDENT LEMERCIER. — Vous avez la parole.

SAVARY. — Je demande que le conseil veuille bien ordonner que le procès-verbal de la séance extraordinaire d’hier soit lu. J’ai besoin de connaître ce procès-verbal d’une séance à laquelle je n’assistais pas. J’ignore quel motif l’on a pu avoir de cacher la tenue de cette séance à un certain nombre de membres appartenant à la minorité républicaine dont je fais partie ; mais il faut que nous connaissions les terribles vérités qui ont pu engager à échanger notre résidence et à nous transférer à Saint-Cloud ! Que l’on nous explique à tous les motifs d’une mesure à laquelle nous n’étions pas préparés. Je crois ces motifs très-puissants ; mais je déclare pour ma part…

RÉGNIER. — Je demande la parole.

SAVARY. — Il faut que tous les périls dont l’on nous dit menacés soient révélés ; il faut que tous les membres du Corps législatif sachent en quoi la représentation nationale a pu être compromise. Si l’on ne croit point devoir rendre ces détails publics, je demande qu’on les donne au moins en comité secret.

LES MEMBRES DE lA MINORITÉ. — Appuyé ! appuyé !

RÉGNIER. — J’ignore si le préopinant a été ou non convoqué par la commission, cela ne nous regarde point ; mais le décret que le conseil des Anciens a rendu est qualifié d’irrévocable par la constitution… Je propose l’ordre du jour.


GUYONNARD. — Savary n’a pas demandé le rapport d’un décret irrévocable ; il s’est plaint d’une chose dont je me plains moi-même comme membre de la minorité. Je demeure dans la maison du citoyen