Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/310

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à des guerres incessantes, devait dominer l’Europe par la force des armes ou périr. Donc, il devait périr ; ses batailles homériques, ses conquêtes gigantesques n’avaient d’autre but que la conservation de son trône, et l’égoïsme d’un homme, quels que soient son génie et les moyens dont il dispose, sera toujours impuissant à dominer longtemps l’Europe, tandis que la république aurait pu dominer, dominera un jour, et pour jamais le monde, non par la force, mais par la foi ; non pour asservir les peuples, mais pour les rendre libres ; non pour les démoraliser, mais pour les dignifier. Hélas ! De pareilles pensées pouvaient-elles germer dans l’âme de celui-là qui disait : « C’est avec des hochets que l’on mène les hommes. — J’ai commis en Espagne un acte cynique, révoltant ; s’il eût été couronné de succès, j’aurais mérité l’admiration de la postérité. »

Le 1er mars 1813, le gouvernement prussien, cédant au cri de l’opinion publique de l’Allemagne, de plus en plus hostile à Napoléon, donna le signal des défections en brisant son alliance avec l’empire français, en s’unissant à l’Angleterre et à la Russie. Cette nouvelle coalition se recruta de la Suède, dont Bernadotte, ancien général républicain, était devenu roi. Les victoires de Lutzen et de Bautzen semblèrent d’abord assurer l’avantage à Napoléon. L’Autriche proposa sa médiation aux parties belligérantes ; elles conclurent, le 4 juin 1813, l’armistice de Plessewitz ; un congrès, rassemblé à Prague, offrit à Napoléon nos limites naturelles, conquises par les armées de la république, le Rhin, la Meuse et les Alpes. Napoléon repoussa ces propositions avec dédain : il craignait de perdre son prestige aux yeux du monde et de la France, qu’il ne pouvait, dans sa pensée, continuer d’asservir que grâce aux éblouissements de continuelles victoires.

La guerre recommence, mais bientôt sonne coup sur coup l’heure des revers. Macdonald est battu en Silésie, Ney en Prusse, Vandamme à Culm. Les princes de la Confédération germanique, encouragés par ces échecs, et subissant la pression de l’opinion publique des peuples, abandonnent Napoléon Ier, sur le champ de bataille même de Leipsick ; ils tournent leurs troupes contre les siennes ; l’armée française, en pleine déroute, se retire derrière ses frontières, le 31 octobre 1813, et bientôt elles sont menacées par les coalisés. Napoléon, de retour à Paris, le 9 novembre de la même année, ordonne de nouvelles levées. Des milliers de familles avaient moyennant des prix exorbitants, racheté plusieurs fois leurs enfants de la conscription, un dernier appel les leur enlève. La plupart de ces