Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/322

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outrage qui m’a jeté dans la carrière politique en haine de la noblesse.

M. HUBERT, à M. de Plouernel. — Monsieur, vous ne me reconnaissez pas ?

LE COMTE DE PLOUERNEL. — Non, monsieur, et cependant il me semble que vos traits…

M. HUBERT. — Je vais aider votre mémoire : nous nous sommes vus en 1792, lors du procès de notre malheureux roi… nous conspirions alors…

LE COMTE DE PLOUERNEL. — Rue Saint-Roch, chez l’ancien bedeau de cette paroisse ? Je me rappelle maintenant, monsieur, parfaitement vos traits.

M. HUBERT. — Qui nous eût dit alors, monsieur le comte, que plus de vingt ans après cette rencontre, nous nous retrouverions dans le palais du frère du royal martyr ?

LE COMTE DE PLOUERNEL. — Ah ! monsieur, je le crains, cette terrible leçon sera perdue pour la royauté.

M. HUBERT. — Comment cela ?

LE COMTE DE PLOUERNEL. — Louis XVI est mort victime de ses déplorables concessions à l’esprit révolutionnaire, et Louis XVIII a imité son infortuné frère, en accordant cette charte maudite ; tôt, ou tard elle perdra la royauté ; nous marchons à grands pas à un nouveau 92.

M. HUBERT. — Tant mieux, si l’on s’arrête là…

LE COMTE DE PLOUERNEL. — Quoi ! monsieur…

M. HUBERT, souriant. — Vous oubliez, cela se conçoit du reste, que j’étais royaliste constitutionnel.

LE COMTE DE PLOUERNEL. — Vous avez eu la constitution de 92, où vous a-t-elle conduit ? au 10 août ; et un mois après, cette infâme république était proclamée ; puis sont venus la Convention, le régicide, la terreur.

M. HUBERT. — Entre nous, et sans reproche, vous avez été quelque peu cause de ces malheurs, vous, messieurs de la noblesse.

LE COMTE DE PLOUERNEL. — Comment ?

M. HUBERT. — Au lieu d’accepter franchement la constitution, et d’aider à son affermissement, vous avez sans relâche conspiré contre elle, parce qu’elle mettait le gouvernement du pays entre nos mains, à nous, gens du tiers état.


LE COMTE DE PLOUERNEL. — En conspirant contre cette constitution, monsieur, nous défendions nos biens, notre honneur ! Elle nous dépouillait de nos droits seigneuriaux, droits sacrés que nous tenions