Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/327

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LE COMTE DE PLOUERNEL, vivement. — Moi, des excuses !

LE VICOMTE GONTRAN. — Un Plouernel ne fait des excuses à personne.

M. HUBERT, à part. — Quoi ! c’est là le général Olivier, l’ancien apprenti de Jean Lebrenn, dont celui-ci m’a si souvent parlé ; la rencontre est singulière. Allons, il ne faut pas les laisser égorger. (Haut.) Messieurs, messieurs, permettez-moi de vous faire observer qu’il s’agit d’un malentendu…

LE GÉNÉRAL OLIVIER, à M. de Plouernel. — Monsieur, vous avez dit tout à l’heure que les officiers de l’empire qui acceptent des grâces, des faveurs, des commandements du roi, étaient des traîtres ou des renégats d’une bassesse abjecte !

LE COMTE DE PLOUERNEL. — Je l’ai dit, je le maintiens.

LE VICOMTE GONTRAN. — Oui, oui, mon père l’a dit, et il maintient ce qu’il a dit.

LE GÉNÉRAL OLIVIER. — Le roi m’a confié le commandement d’une division militaire, et il a bien voulu m’accorder la croix de Saint-Louis ; pour ce commandement et cette faveur, serai-je, monsieur, à vos yeux un traître ou un renégat d’une bassesse abjecte ? (Avec véhémence.) Répondez-moi, monsieur, répondez !

H. HUBERT, avec un accent de conciliation. — Mais, monsieur le général, M. de Plouernel ne voulait pas…

LE COMTE DE PLOUERNEL, à M. Hubert. — Pardon, monsieur, je n’ai pas coutume de laisser à autrui le soin de répondre pour moi. (Au général Olivier.) Puisque vous m’interrogez, monsieur, je vous répliquerai en toute sincérité : Oui, si, soldat de fortune, je devais à Napoléon un titre, un grade éminent dans l’armée ; si, après avoir servi la république et l’empire en haine des Bourbons, je sollicitais ou acceptais d’eux des faveurs ou un commandement, et cela en pleine paix, lorsque je n’aurais pas l’excuse de dire que je cède au désir de défendre mon pays menacé par la guerre, je serais un…

LE GÉNÉRAL OLIVIER, impétueusement. — Achevez !

M. de Plouernel, au moment où il va répondre, est soudain interrompu par les tapages et les éclats d’hilarité d’un nouveau personnage qui se précipite dans le salon en riant à perdre haleine. C’est le marquis de Saint-Estève, ce fâcheux insupportable que les événements les plus graves ou les plus sinistres, ainsi qu’on l’a déjà vu, n’empêchent jamais de se livrer à son absurde gaieté. Le marquis, poudré à blanc, est coiffé d’ailes de pigeon ; sa petite queue frétille sur le collet de son habit bourgeois orné d’épaulettes d’or ; il porte