Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/333

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MADAME LEBRENN. — Monsieur…


LE GÉNÉRAL OLIVIER. — De grâce, madame, au nom de cette bonté presque maternelle que vous me témoigniez pendant mon adolescence, soyez sincère, je saurai entendre la vérité.

MADAME LEBRENN. — Eh bien, monsieur, je vous l’avoue, Jean et moi nous vous plaignions peut-être encore plus que nous vous avons blâmé, car vos erreurs ont été cruellement punies le jour où M. de Plouernel vous a si durement et, pardonnez ma franchise, si justement reproché, à vous, soldat de la république et de l’empire, d’avoir accepté du service des Bourbons, dans le but de les trahir, puisque vous venez de me le dire ; je savais d’ailleurs, par les journaux du mois de mars, que vous aviez conduit à Napoléon votre division.

LE GÉNÉRAL OLIVIER. — Quoi ! madame, vous êtes instruite de mon altercation avec M. de Plouernel ?

MADAME LEBRENN. — M. Hubert, mon oncle, pair de France de la restauration, était témoin de cette scène. (S’interrompant à la vue de Lebrenn en uniforme de garde national.) Voici mon mari. Adieu, monsieur ; si nous pouvons vous être utiles, disposez de nous. Notre blâme a été d’autant plus sévère que nous vous étions attachés davantage. (Elle sort.)

JEAN LEBRENN, avec une profonde tristesse, après un moment de silence. — Eh bien, Olivier, que vous disais-je le 18 brumaire, la dernière fois que nous nous sommes rencontrés ? Le général Bonaparte conduira la France à sa perte ; nous la verrons peut-être envahie, démembrée. Hélas ! je disais vrai : elle a perdu les frontières conquises par la république, et pour la seconde fois, l’étranger est au cœur de notre pays ! 


LE GÉNÉRAL OLIVIER. — Vous ne m’adresserez pas de reproches plus amers que ceux que je me fais à moi-même, mon cher Lebrenn… Ah ! que ne suis-je resté à Waterloo, comme tant d’autres de mes compagnons d’armes ; mais la mort n’a pas voulu de moi !

JEAN LEBRENN. — Je n’ai jamais douté de votre brillante bravoure, Olivier ; mais quel a été l’emploi de cette bravoure, de cette haute intelligence militaire dont ma pauvre sœur attendait tant pour la gloire de la république ? Vous avez… (S’interrompant. ) Non, pardon, Olivier, pardon de ces reproches. Vous êtes vaincu, malheureux, vous fuyez la France, afin d’échapper à la proscription ou à la mort, m’a dit mon fils, témoin de votre entretien avec Charlotte. Vous expiez cruellement vos fautes, vous revenez à moi… (Tendant