Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/350

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— les saturnales des missionnaires révoltant les esprits les plus modérés ; — les conspirations militaires ou civiles éclatant de temps à autre, et venant protester contre les Bourbons par le sang des martyrs de la liberté versé sur l’échafaud ; — la charbonnerie, vaste société secrète étendant ses ramifications dans toute la France, et conservant dans les âmes vaillantes la tradition républicaine ; — enfin, la dissolution de la Chambre des députés, coupables d’avoir déclaré à Charles X, par l’organe de leur majorité, dans leur adresse à la couronne, que l’accord n’existait plus entre le corps législatif et le gouvernement ; — la Chambre dissoute, et le pays légal, consulté par de nouvelles élections, récusant les 221 députés de l’opposition composant la majorité de l’assemblée ; — le roi Charles X, au lieu de céder devant cette manifestation du pays, croyant pouvoir, grâce à l’heureux succès des armées françaises en Algérie, tenter impunément un coup d’État, dont le ministère Polignac était l’instrument, en rendant les ordonnances du 26 juillet, qui frappaient d’un coup mortel les libertés les plus vitales de la nation.

Les scènes suivantes ont lieu dans la soirée du 27 juillet chez Jean Lebrenn ; il continue, ainsi que sa femme, son commerce de toile de Bretagne. M. Desmarais, l’esprit affaibli par l’âge et par les désordres si funestes aux vieillards, est devenu fou d’épouvante lors du second retour des Bourbons, craignant leurs vengeances au sujet de sa brochure violente, publiée contre eux, après leur départ. Il se croyait, dans son insanité, toujours au moment d’être conduit à l’échafaud ; il est mort en criant : — Grâce ! ne me traînez pas à la guillotine ! — Légitime et terrible châtiment des lâchetés, des trahisons, des apostasies de ce misérable, dont la vie politique n’avait été d’ailleurs, depuis 1789, qu’un long supplice, constamment renouvelé par sa lâcheté et par les terreurs de sa conscience bourrelée. Marik, fils de Lebrenn, a épousé Hénory Kerdren, fille d’un négociant de Vannes, correspondant de Jean Lebrenn ; un enfant est né de ce mariage ; il est âgé de deux ans, et a reçu le nom d’un héros de la Gaule antique : Sacrovir. Il est onze heures du soir environ ; madame Lebrenn et sa belle-fille, Hénory, leur magasin fermé, sont montées à l’entre-sol qu’elles habitent, et, réunies dans le salon, s’occupent de faire de la charpie, en prévision de l’insurrection qui peut éclater le lendemain, tandis que Marik Lebrenn et Castillon, dans la même prévision, fabriquent des cartouches. Castillon, alors âgé de soixante-trois ans, a les cheveux blancs, mais il est encore alerte et robuste, et exerce toujours son métier d’artisan serrurier ; un