Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/360

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mon opinion. Je le regrette, parce que ces braves officiers nous eussent été d’utiles auxiliaires dans la lutte qui se prépare ; mais, en somme, les bonapartistes sont aujourd’hui en telle minorité qu’ils ne peuvent pas s’appeler un parti.

JEAN LEBRENN. — Je craignais pour vous l’action d’anciens souvenirs de guerre, l’influence d’anciens compagnons d’armes.


LE GÉNÉRAL OLIVIER, ému. — Vous ne vous trompiez pas, mon cher Lebrenn ; oui, en cette heure solennelle, où la forme du gouvernement de la France est remise en question, je subis l’action invincible d’anciens souvenirs, ceux de la république, sous laquelle j’ai fait mes premières armes, et qui, dans ma pensée, est inséparable de la mémoire de votre héroïque sœur Victoria ! elle à qui je dois tout, elle morte à la bataille, victime de son dévouement pour moi ! Oui, à cette heure, je subis l’influence d’anciens compagnons ; mais quels sont-ils ? Vous, mon cher Lebrenn, vous, Martin, Duresnel, Castillon, Duchemin, vieux débris des armées républicaines. Ah ! mes amis, j’ai de grands torts à expier. Le dernier cri de ma vieillesse sera le cri de ma première jeunesse : Vive la république !

CASTILLON. — Oui, vive la république ! mon garçon, ça ira, nous l’aurons, cette fois, aussi vrai que tu étais notre apprenti, mon général. Oui, ça ira, nom d’un nom ! pas vrai, Duchemin ?

DUCHEMIN. — Ah ! Castillon, quels amours de bouches à feu je viens de voir en batterie au bas du pont Royal ; mais je me disais : T’as trop d’âge pour les enlever, mon ancien ; tu n’es plus au bon temps de Carmagnole et de Javotte, faut renoncer aux amours ! Mais enfin, je serai encore bon là en faction, derrière une barricade.


JEAN LEBRENN. — Je l’espère bien, mon vieux camarade, et vous n’aurez pas loin à aller pour vous rendre à votre poste.


DUCHEMIN. — Comment donc ça, monsieur Lebrenn ? 


JEAN LEBRENN. — Nous avons tantôt examiné avec Martin la position de la maison, et l’angle très-ouvert que forme l’alignement de la rue à vingt pas d’ici nous semble, si la lutte s’engage, commander l’établissement d’une barricade presque à notre porte, afin de couper la communication des troupes qui viendraient par les boulevards pour opérer leur jonction avec celles qui occuperont sans doute l’Hôtel-de-Ville. (À Olivier, souriant.) Pourtant, nous vous soumettrons notre plan de campagne, mon général.

LE GÉNÉRAL OLIVIER. — Je connais l’emplacement ; il est parfaitement choisi.


DURESNEL, riant. — En ce cas, mon général, je fais la motion de