Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/362

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MARTIN. — Rien de plus logique, car la circonstance est grave.

TOUS. — Oui ! oui ! aux voix !

JEAN LEBRENN. — J’ajouterai, certain d’ailleurs de ne pas vous surprendre beaucoup, car vous connaissez la fermeté du caractère de ma femme et de ma chère belle-fille Hénory : elles sont, comme le disait tout à l’heure Olivier, elles sont dignes de nos mères ; ces viriles matrones gauloises siégeaient parmi leurs frères, leurs époux, leurs fils, leurs pères, au conseil de la tribu, et comme eux délibéraient sur les questions de paix ou de guerre. Eh bien, je…

MARTIN. — Permettez-moi de vous interrompre, mon ami ; je devine votre pensée ; oui, vous avez raison de le croire ; loin de nous surprendre, elle nous touche profondément. Oui, c’est un droit sacré pour l’épouse, pour la mère, de prendre part à une délibération comme celle-ci, lorsqu’il s’agit non-seulement de la vie de leur mari, de leur enfant, mais d’engager dans la lutte des citoyens qui ont des mères, des filles, des épouses.

DURESNEL. — Rien de plus juste en effet.

LE GÉNÉRAL OLIVIER. — Je me félicite, mon cher Lebrenn, d’avoir prévenu votre pensée. Mieux que personne, je connais la vaillance et la solidité du jugement de votre digne compagne.

CASTILLON. — Ah ! mon garçon ; si tu l’avais vue comme moi dans la journée du 9 thermidor, la citoyenne Lebrenn ! quel patriotisme ! quelle présence d’esprit ! quel courage !

DUCHEMIN. — Et puis enfin, comme le disaient les braves citoyennes qui, le jour du massacre du Champ de Mars, signaient, sur l’autel de la patrie, la pétition pour la déchéance de feu Capet en 1792 : la mère forme le citoyen dès son enfance, pourquoi donc la mère n’aurait-elle pas de droit civique ?

MADAME LEBRENN. — J’accepte sans orgueil et sans fausse modestie l’offre qui m’est faite ; il suffit d’un esprit droit, d’une âme ferme et d’un sentiment vrai de la dignité de ceux que nous aimons, pour avoir une notion juste des devoirs qu’ils ont à remplir envers la patrie, envers eux-mêmes, et ainsi juger sainement la question dont il s’agit. Ce que je dis de moi, je le dis d’Hénory, ma bien-aimée belle-fille.

HÉNORY. — Je ne saurais suivre de plus noble exemple que le vôtre, ma mère ; j’ai appris de vous à estimer plus que leur vie, l’honneur de ceux qui nous sont chers.

JEAN LEBRENN. — Nous sommes d’accord sur la nécessité de mettre