Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/368

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esprit tout motif d’inquiétude ou de chagrin ; il nous a seulement autorisées à t’apprendre que ton père n’était pas blessé, que l’insurrection était partout victorieuse, et les Bourbons chassés cette fois, et bien chassés !

MARIK. — Ces nouvelles, tu me les as données il y a une heure déjà, chère Hénory ; mais ma connaissance est complètement revenue ; je ne me sens presque plus de fièvre. Touche ma main, ma mère.

MADAME LEBRENN. — En effet, mon ami, tes mains ne sont plus brûlantes (touchant le front de son fils), ni ton front non plus.

MARIK. — Je ne souffre pas de ma plaie ; j’éprouve, je vous l’assure à toutes deux, une sorte de bien-être, et je peux, sans le moindre inconvénient, entendre le récit de ce qui s’est passé depuis le 28 juillet matin. Ces faits, je les ignore, ayant été atteint du tétanos presque aussitôt après ma blessure reçue ; aussi, je vous en conjure toutes deux, ne me laissez pas plus longtemps dans l’ignorance de ces faits, que je suis si impatient de savoir. Cette curiosité fiévreuse me sera, je vous l’assure, nuisible, si vous ne la satisfaites pas.

HÉNORY. — Je crois en effet, ma mère, qu’il y aurait peut-être maintenant quelque inconvénient à ne pas satisfaire la curiosité de Marik. Elle est si concevable.

MADAME LEBRENN. — Eh bien, mon ami, nous allons t’apprendre ce dont nous avons été, ta femme et moi, témoins ici. Nous n’avons pas quitté la maison, car les derniers blessés que nous ayons recueillis dans le magasin, transformé tant bien que mal en ambulance, ont été transportés ce matin à l’Hôtel-Dieu.

MARIK. — Ah ! je le savais d’avance, ma mère ; toi et Hénory vous avez rivalisé de courage, de dévouement pour secourir les blessés.

MADAME LEBRENN. — Grand nombre de nos voisines, bourgeoises et femmes d’ouvriers, sont accourues nous rejoindre et ont rendu notre tâche bien facile.

HÉNORY. — Ce que ta mère ne te dit pas, mon ami, c’est qu’elle était notre exemple à toutes par son activité, son sang-froid, son courage. Elle est allée au milieu du feu relever un pauvre enfant de douze ans à peine, blessé mortellement, et…

MADAME LEBRENN. — Et qui m’accompagnait ?

HÉNORY. — Une de nos voisines, puis… moi…

MADAME LEBRENN. — Oui, mais vous aviez été la première à me suivre, chère fille.


MARIK, ému. — Oh ! ma mère ! oh ! ma femme ! le bonheur que j’éprouve suffirait à me guérir.