Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/38

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Olivier et Victoria, appartenant à l’escadron du troisième hussards ; Jean Lebrenn et Castillon, appartenant à la compagnie de volontaires commandée par le capitaine Martin, élève du grand peintre David ; enfin le jeune Parisien Duresnel, qui, selon son aveu naïf, avait tant de peur… d’avoir peur lors de son premier coup de feu, faisait aussi partie de cette compagnie.

— Eh bien ! camarade, — lui dit le capitaine Martin, — comment ça va-t-il ?

— Jusqu’à présent, capitaine, ça ne va pas trop mal… mais il faut voir la fin… ou plutôt le commencement… car nous n’avons pas encore été engagés.

— Tiens, voilà que ça commence, — répond le capitaine Martin souriant du violent soubresaut que vient de faire le nouveau soldat, surpris par l’assourdissante détonation de la première décharge de la batterie française qui ouvre en ce moment son feu et que l’on ne peut apercevoir de l’endroit où les fantassins sont à couvert.

— Je dois déclarer sur ma parole d’honneur qu’il me reste dans les oreilles un bourdonnement prodigieux, — reprend Duresnel ; — mais si je ne deviens pas sourd du coup, je suis curieux de savoir ce que je vais ressentir en entendant le premier sifflement des boulets. Voilà qui va être pour moi du dernier intérêt.

— Tu ne tarderas pas, mon brave, à avoir cette satisfaction-là, — reprend Castillon. — Les Autrichiens vont nous rendre politesse pour politesse… Mais quelles brutes !! je parie qu’il n’y en a pas un sur cent qui sache pourquoi il se bat !… tandis qu’il n’y a pas un de nous, dans l’armée, qui ne sache qu’il se bat pour défendre la France, la révolution et la république… et voilà pourquoi nous leur flanquons si souvent d’indignes ratapioles ! — Puis, s’interrompant et s’adressant à Jean Lebrenn, son serre-file, Castillon ajoute tout bas en désignant du geste le premier peloton de l’escadron de hussards : — L’ami Jean, vois tu ta sœur là-bas ?… Est-elle belle !… a-t-elle l’air crâne !… Qui est-ce qui croirait jamais que c’est une femme ?… Elle nous fait signe de la main… elle est à cheval à côté d’Olivier… la vois-tu ?…

— Oui… oui ! je l’avais tout de suite remarquée… mes yeux ne l’ont pas quittée depuis quelques moments, — reprend Jean Lebrenn aussi tout bas à Castillon ; et, soupirant, il ajoute : — Ah ! je ne sais si je dois regretter ou me réjouir de ce que Victoria et moi nous ayons été par hasard désignés pour le même poste en ce jour de bataille !

— Tant mieux être ensemble, l’ami Jean… ça fait qu’au besoin