Aller au contenu

Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/384

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Sémonville et de Sussy, s’étant présentés de la part de Charles X, qui alors proposait d’abdiquer en faveur du duc de Bordeaux, Casimir Périer ne rougit pas d’écouter leurs ouvertures. Mais Audry de Puyraveau s’écrie, indigné : — « Si vous ne rompez pas ces négociations honteuses, je fais monter le peuple ici, monsieur ! » — Ce langage intimide Casimir Périer, les négociateurs des Bourbons se retirent à ces mots de Mauguin : — « Il est trop tard, messieurs ! »

MARIK. — Mais, La Fayette ?

JEAN LEBRENN. — Une députation, à la tête de laquelle se trouvaient les deux frères Garnier-Pagès, lui avait offert, et il avait accepté le commandement général des gardes nationales du royaume : c’était en ce moment la dictature. Le général se rend à l’Hôtel de Ville, au milieu des transports de la foule ; il pouvait tout alors ; il était maître de donner à la révolution son essor logique ! Mais, sauf Mauguin et Audry de Puyraveau, la commission municipale, en se subordonnant à La Fayette, le circonvient, le flatte et l’effraye à la fois, en le posant à ses propres yeux en arbitre suprême de la situation, lui montrant la terrible responsabilité qui pèse sur lui, les calamités prêtes à se déchaîner sur la France et sur l’Europe, s’il ne se rallie pas à la royauté du duc d’Orléans, laquelle par un bonheur inespéré, peut concilier l’ordre et la liberté, tandis que la république, c’est l’anarchie, c’est la guerre civile, c’est la guerre avec l’Europe ! Ces paroles caressent à la fois le légitime orgueil de La Fayette et inquiètent sa conscience d’honnête homme ; il entrevoit un rôle qui ne manquait pas, en apparence, d’une certaine grandeur : sacrifier sa conviction personnelle à la paix du pays.

MARIK. — Mais c’était sacrifier la république à des craintes insensées ; la France l’eût acceptée comme elle accepte la royauté des d’Orléans !

JEAN LEBRENN. — Oui, et l’histoire reprochera sévèrement à La Fayette cette désertion, ce manque de foi dans les principes qu’il soutenait, qu’il propageait depuis quinze ans. Mais son caractère n’étant pas à la hauteur de la position où le portait les événements, il faillit et promit à peu près son appui aux orléanistes. Pendant que ceux-ci manœuvraient ainsi, nos amis, harassés par ce combat de trois jours, se reposaient sur leurs armes ; mais, apprenant soudain par des proclamations semées à profusion dans Paris les progrès de la candidature du duc d’Orléans, l’arrivée de ce prince à Paris, mandé par une décision des pairs et des députés, les républicains bondissent d’indignation.