Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/53

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tandis que la tête de leur colonne était décimée, culbutée, refoulée en désordre par les feu de la batterie et du carré de volontaires. Olivier, à l’aspect de l’ennemi, oubliant Victoria, charge avec furie les cavaliers allemands. Ceux-ci, déjà ébranlés par le désordre des rangs qui les précèdent, se voyant pris en queue et en flanc, s’imaginant que les hussards sont l’avant-garde d’une cavalerie considérable, sont saisis de panique. Cependant les plus déterminés font volte-face, reçoivent la charge des hussards. La mêlée s’engage. Le comte de Plouernel, qui s’efforce en vain de rallier les fuyards, est soudain attaqué avec furie par un jeune hussard dont le shako est tombé dans le tumulte de la bataille. Sa noire chevelure flotte au vent, et il s’écrie :

— Me reconnais-tu, fils de Neroweg ?

— Que vois-je ?… — murmure le comte de Plouernel, reconnaissant la prétendue marquise Aldini, et dans sa stupeur, songeant à peine à parer les coups de sabre que Victoria, dressée sur les étriers, lui assène d’un poignet viril, il répète, avec l’expression de la rage et de l’horreur : — C’est toi, infernale créature !… c’est encore toi !!

— Oui, c’est moi !!… Et une fois de plus nos deux races se rencontrent en armes, face à face, à travers les âges ! — s’écrie Victoria redoublant l’impétuosité de son attaque. — Tu combats la patrie… je la défends contre toi… infâme parricide… Tu mourras de la main d’une fille de Joël !

Et la jeune femme, de qui les premiers coups avaient glissé sur le casque et sur la cuirasse du comte, se souvient de la recommandation d’Olivier, pointe son adversaire droit au visage et l’éborgne. Le comte, rendu furieux par cette blessure, riposte en dessous, et pendant que Victoria est encore presque debout sur ses étriers, il lui plonge son sabre dans la poitrine, la voit se renverser sur la croupe de sa monture, au moment où il engage une nouvelle lutte avec deux hussards… Mais, bientôt entraîné par les fuyards mis en pleine déroute, grâce à la vigoureuse diversion d’Olivier, le comte, afin de n’être pas du moins fait prisonnier, puis condamné à mort en sa qualité d’émigré pris les armes à la main, pousse son cheval à toute bride vers l’aile gauche de l’armée autrichienne alors en pleine déroute, et échappe à la poursuite des hussards républicains, ainsi qu’une centaine de ses cavaliers, débris du régiment des cuirassiers de Gerolstein.

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Hoche, manœuvrant avec autant d’habileté que d’audace, de