Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/67

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à mettre un terme au régime de la terreur, à détendre le ressort du gouvernement révolutionnaire et à revenir bientôt à un système légal ; ils proposèrent donc un comité d’indulgence, chargé de reviser les actes d’accusation lancés contre les suspects ; aussitôt les terroristes, les uns très-convaincus, comme Billaud-Varenne, de la nécessité de continuer le règne de la terreur, les autres, tels que Carrier, Fouché, Tallien, couverts de crimes horribles et qui redoutaient le retour de la légalité, s’écrièrent que la république était perdue si elle entrait dans la voie indiquée par les indulgents, et de nouveau demandèrent la mise en accusation de Danton et de Camille Desmoulins. Deux mois auparavant, Robespierre, qui, plein d’admiration pour ces deux hommes illustres, sentait quels services ils pourraient encore, en des temps moins orageux, rendre à la révolution, s’était élevé avec indignation contre la demande des terroristes, et l’avait fait repousser. Il commença par résister de nouveau. En vain, dans le sein des comités, les terroristes prétendirent que la proposition d’une commission d’indulgence, après la condamnation des hébertistes, encouragerait l’audace des ennemis de la république, qui, presque certains de l’impunité, recommenceraient leurs complots ; Robespierre répondit que par cela même que la fin du règne de la terreur ne semblait pas encore venue, il approuvait la formation d’un comité d’enquête et de révision des procès ; mais cette proposition, fût-elle même impolitique de la part des indulgents, leurs chefs : Bazire, Chabot, et surtout Hérault de Séchelles, Camille Desmoulins et Danton, patriotes longtemps éprouvés, ne devaient pas être mis en accusation pour un pareil fait ; Robespierre corrigea, même très-cordialement les épreuves d’un article écrit en ce sens par Camille Desmoulins dans le Vieux Cordelier, journal rédigé par lui avec cet impitoyable bon sens politique, cette verve étincelante, cette ironie attique et acérée auxquels il devait son légitime et immense renom de publiciste ; mais son esprit satirique, son indignation amère, en flétrissant les sanglants excès des hébertistes, les turpitudes, les vols, les forfaits des Barras, des Tallien, des Fouché, des Collot et autres terroristes, avaient créé à Camille Desmoulins d’implacables ennemis ; Carnot lui-même, le croirait-on ? Carnot, cet homme intègre et d’un noble caractère, ne pouvant pardonner au journaliste d’avoir vivement critiqué les opérations militaires de la Vendée, le poursuivit de son animosité ; enfin Saint-Just, égaré par une jalouse rivalité, se trouva cette fois en désaccord avec Robespierre, et lui reprocha de vouloir, par une coupable