Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/140

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Elle me fit signe de marcher devant elle et me suivit. Alors Douarnek me dit à demi-voix :

– Si tu m’en crois, Scanvoch, après que cette diablesse qui t’a suivi à la nage, je ne sais pourquoi, se sera essuyée et réchauffée à ton foyer, enferme-la jusqu’au jour ; elle pourrait, cette nuit, étrangler ta femme et ton enfant… Rien n’est plus sournois et plus féroce que les femmes franques.

– Cette précaution sera bonne à prendre, — dis-je à Douarnek.

Et je me dirigeai vers ma demeure, accompagné d’Elwig, qui me suivait comme un spectre.

La nuit était avancée ; je n’avais plus que quelques pas à faire pour arriver à la porte de mon logis, lorsqu’à travers l’obscurité je vis un homme monté sur le rebord d’une des fenêtres de ma maison : il semblait examiner les volets. Je tressaillis… cette croisée était celle de la chambre occupée par ma femme Ellèn.

Je dis tout bas à Elwig en lui saisissant le bras :

– Ne bouge pas… attends…

Elle s’arrêta immobile… Maîtrisant mon émotion, je m’approchai avec précaution, tâchant de ne pas faire crier le sable sous mes pieds… Mon attente fut trompée, mes pas furent entendus ; l’homme, averti, sauta du rebord de la fenêtre et prit la fuite. Je m’élançais à sa poursuite, lorsque Elwig, croyant que je voulais l’abandonner, courut après moi, me rejoignit, se cramponna à mon bras, me disant avec terreur :

– Si l’on me trouve seule dans le camp gaulois, on me tuera.

Malgré mes efforts, je ne pus me débarrasser de l’étreinte d’Elwig que lorsque l’homme eut disparu dans l’obscurité. Il avait trop d’avance sur moi, la nuit était trop sombre, pour qu’il me fût possible de l’atteindre. Surpris et inquiet de cette aventure, je frappai à la porte de ma demeure.

Presque aussitôt j’entendis au dedans du logis les voix de ma femme et de sa sœur, inquiètes sans doute de la durée de mon ab-