Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/157

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– Je suis de votre avis, bon Scanvoch, — reprit simplement Tétrik ; — le premier devoir d’un ami est de démasquer les fourbes ; je crains moins le lion rugissant, la gueule ouverte, que le serpent rampant dans l’ombre.

– Alors, moi, Scanvoch, je vous dis ceci, à vous, Tétrik : Vous êtes un de ces dangereux reptiles dont vous parlez… je vous crois un traître ! je vous accuse d’être un traître !…

– Scanvoch ! — s’écria Victoria d’un ton de reproche, — songes-tu à tes paroles ?

– Je vois que la vieille plaisanterie gauloise, une de nos franchises, nous est revenue avec nos dieux et notre liberté, — reprit en souriant le gouverneur.

Puis, se retournant vers Victoria, il ajouta :

– Notre ami Scanvoch possède la gausserie sérieuse… la plus plaisante de toutes…

– Mon frère parle en honneur et conscience, — reprit la mère des camps. — Il m’afflige, puisqu’en vous accusant il se trompe ; mais il est sincère dans son erreur…

Tétrik, regardant tour à tour Victoria et moi avec une sorte de stupeur, garda le silence ; puis il reprit d’un ton grave, cordial et pénétré :

– Tout ami fidèle est ombrageux ; bon Scanvoch, inexplicable est pour moi votre défiance, mais elle doit avoir sa cause : franche est l’attaque, franche sera la réponse… Que me reprochez-vous ?

– Il y a un mois, vous êtes venu à Mayence ; un homme à vous, votre secrétaire, nommé Morix, bien muni d’argent, a donné à boire à beaucoup de soldats, tâchant de les irriter contre Victorin, leur disant qu’il était honteux que leur général, l’un des deux chefs de la Gaule régénérée, fût un ivrogne et un dissolu… Votre secrétaire a-t-il, oui ou non, tenu ces propos ?…

– Continuez, ami Scanvoch, continuez…

– Votre secrétaire a cité un fait qui, depuis propagé dans le