— Oh ! — s’écria la mère des camps avec exaltation, — j’aime… j’admire ces pauvres chrétiens mourant dans d’horribles tortures, en confessant l’égalité des hommes devant Dieu ! l’affranchissement des esclaves, la communauté des biens, l’amour et le pardon des coupables !… J’aime… j’admire ces pauvres chrétiens qui meurent suppliciés, en disant au nom de Jésus : « Ceux-là sont des montres d’iniquité, qui retiennent leurs frères en esclavage, qui les laissent souffrir du froid et de la faim, au lieu de partager avec eux leur pain et leur manteau… » Oh ! pour ces héroïques martyrs, pitié, vénération !… Mais je redoute, pour l’avenir de la Gaule, ceux-là qui se disent les chefs, les papes de ces chrétiens… Oui, je les redoute, ces princes des prêtres, venant établir à Rome le siège de leur mystérieux empire ! à Rome, ce centre de la plus effroyable tyrannie qui ait jamais écrasé le monde… Espèrent-ils donc que l’univers, ayant eu longtemps l’habitude de subir l’oppression de la Rome des Césars… subira patiemment l’oppression de la Rome des papes !…
— Victoria, — reprit Tétrik, — vous exagérez la puissance de ces pontifes chrétiens ; grand nombre d’entre eux, persécutés par les empereurs romains, n’ont-ils pas subi le martyre comme les plus pauvres néophytes ?…
— Je le sais… toute bataille a ses morts, et ces papes luttent contre les empereurs pour leur ravir la domination du monde !… Je sais encore que, parmi ces évêques, il s’en est trouvé de dignes de parler et de mourir au nom de Jésus… mais s’il se rencontre de dignes pontifes, le gouvernement, la domination des prêtres n’en est pas moins en soi épouvantable !… Est-ce à moi de vous rappeler notre histoire, Tétrik ? dites, n’a-t-il pas été despotique, impitoyable, le gouvernement de nos prêtres à nous ? Il y a dix siècles, dans ces temps primitifs où nos druides, laissant, par un calcul odieux, les peuples dans une crasse ignorance, les dominaient par la barbarie, la superstition et la terreur !… Ces temps n’ont-ils pas été les plus