Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/167

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qu’elle seule, dans le cas où Victorin mourrait prématurément, qu’elle seule pourrait conserver la tutelle de son petit-fils et gouverner pour lui ?

Victoria secoua la tête d’un air pensif et reprit :

– Je n’aime pas votre projet, Tétrik ; quoi ! désigner au choix des soldats un enfant encore au berceau ; qui sait ce que sera cet enfant ? qui sait ce qu’il vaudra ?

– Ne vous a-t-il pas pour éducatrice ? — reprit Tétrik.

– N’ai-je pas aussi été l’éducatrice de Victorin ? — répondit tristement la mère des camps ; — cependant, malgré mes soins vigilants, mon fils a des défauts qui autorisent des calomnies redoutables, auxquelles je vous crois étranger, je vous le dis sincèrement, Tétrik, j’espère maintenant que mon frère Scanvoch rendra, comme moi, justice à votre loyauté.

– Je l’ai dit, et je le répète, je soupçonne cet homme, — ai-je répondu à Victoria ; — elle s’écria avec impatience :

– Et moi, j’ai dit et je répète que tu es une tête de fer, une vraie tête bretonne ! rebelle à toute raison, lorsqu’une idée fausse s’est implantée dans ta dure cervelle.

Convaincu par instinct de la perfidie de Tétrik, je n’avais pas de preuves contre lui, je me suis tu.

Tétrik a repris en souriant :

– Ni vous ni moi, Victoria, nous ne persuaderons le bon Scanvoch de son erreur ; laissons ce soin à une irrésistible séductrice : la vérité. Avec le temps, elle prouvera ma loyauté. Nous reparlerons, Victoria, de votre répugnance à faire acclamer par l’armée votre petit-fils comme héritier du pouvoir de son père, j’espère vaincre vos scrupules. Mais, dites-moi, j’ai vu tout à l’heure, en me rendant chez vous, le capitaine Marion, cet ancien ouvrier forgeron, qu’à mon autre voyage au camp vous m’avez présenté comme l’un des plus vaillants hommes de l’armée ?

– Sa vaillance égale son bon sens et sa ferme raison, — reprit la