Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/193

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Le jeune général eut bientôt rejoint l’avant-garde. Après une conférence de quelques instants avec les officiers, les troupes prennent leur poste de bataille : trois cohortes d’infanterie, chacune de mille hommes, reçoivent l’ordre de sortir du défilé et de déboucher dans la plaine, afin d’engager le combat avec l’avant-garde des Franks, et de tâcher d’attirer ainsi le gros de leur armée dans ce périlleux passage. Victorin, plusieurs officiers et moi, groupés sur la cime d’un des escarpements les plus élevés, nous dominions la plaine où allait se livrer cette escarmouche. Nous distinguions alors parfaitement l’innombrable armée des Franks : le gros de leurs troupes, massé en corps compacte, se trouvait encore assez éloigné ; une nuée de cavaliers le devançaient et s’étendaient sur les ailes. À peine nos trois cohortes furent-elles sorties du défilé, que ces milliers de cavaliers, épars comme une volée de frelons, accoururent de tous côtés pour envelopper nos cohortes, ne cherchant qu’à se devancer les uns les autres ; ils s’élancèrent à toute bride et sans ordre sur nos troupes. À leur approche, elles firent halte et se formèrent en coin pour soutenir le premier choc de cette cavalerie ; elles devaient ensuite feindre une retraite vers les défilés. Les cavaliers franks poussaient des hurlements si retentissants, que, malgré la grande distance qui nous séparait de la plaine, et l’élévation des plateaux, leurs cris sauvages parvenaient jusqu’à nous comme une sourde rumeur mêlée au son lointain de nos clairons… Nos cohortes ne plièrent pas sous cette impétueuse attaque ; bientôt, à travers un nuage de poussière, nous n’avons plus vu qu’une masse confuse, au milieu de laquelle nos soldats se distinguaient par le brillant éclat de leur armure. Déjà nos troupes opéraient leur mouvement de retraite vers le défilé, cédant pied à pied le terrain à ces nuées d’assaillants, de moment en moment augmentées par de nouvelles hordes de cavaliers, détachés de l’avant-garde de l’armée franque, dont le corps principal s’approchait à marche forcée.

– Par le ciel ! — s’écria Victorin les yeux ardemment fixés sur le