Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/195

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tant mieux… Ce soir, de retour au camp, notre mère Victoria nous dira : « Enfants, vous avez été vaillants !»

– Marchons ! — s’écrièrent tout d’une voix les troupes qui avaient entendu les paroles du jeune général, — marchons !

Alors le barde Rolla improvisa ce chant de guerre, qu’il entonna d’une voix éclatante :




« – Ce matin nous disons : — Combien sont-ils donc ces barbares qui veulent nous voler notre terre, nos femmes et notre soleil ?

» – Oui, combien sont-ils donc ces Franks ?




» – Ce soir nous dirons : Réponds, terre rougie du sang de l’étranger… Répondez, flots profonds du Rhin… Répondez, corbeaux de la grève !… Répondez… répondez…

» Combien étaient-ils donc ces voleurs de terre, de femmes et de soleil ?

» — Oui, combien étaient-ils donc, ces Franks ? »




Et les troupes se sont ébranlées en chantant le refrain de ce bardit, qui vola de bouche en bouche jusqu’aux derniers rangs.

Moi, ainsi que plusieurs officiers et cavaliers d’escorte, précédant les légions, nous avons suivi Victorin. Bientôt notre armée s’est développée sur la cime des plateaux dominant au loin la plaine immense, bornée à l’extrême horizon par une courbe du Rhin. Au lieu d’attendre l’attaque dans cette position avantageuse, Victorin voulut, à force d’audace, terrifier l’ennemi ; malgré notre infériorité numérique, il donna l’ordre de fondre de la crête de ces hauteurs sur les Franks. Au même instant, la colonne ennemie qui, attirée par une feinte retraite, s’était engagée dans les défilés, était refoulée dans la plaine par une partie de nos troupes ; reprenant l’offensive, notre armée descendit presque en même temps des plateaux. La bataille s’engagea, elle devint générale…