Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/224

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— Voilà ce que je ne cesse de répéter à ma sœur, — reprit Sampso. — Votre voyage ne vous expose à aucun danger, et si vous partez cette nuit, c’est que votre mission est urgente.

— Sans doute, et n’est-ce pas d’ailleurs un véritable plaisir que de voyager, ainsi que je vais le faire, par une douce nuit d’été au milieu de notre beau pays, si tranquille aujourd’hui ?

— Je sais tout cela, — reprit Ellèn d’une voix altérée, — ma faiblesse est insensée ; mais, malgré moi, ce voyage m’épouvante…

Puis, tendant vers moi ses mains suppliantes :

— Scanvoch mon époux bien-aimé ! ne pars pas, je t’en conjure, ne pars pas…

— Ellèn, — lui dis-je tristement, — pour la première fois de ma vie, je suis obligé de répondre à ton désir par un refus.

— Je t’en supplie… reste près de moi.

— Je te sacrifierais tout, hormis mon devoir… La mission dont m’a chargé Victoria est importante… j’ai promis de la remplir, je tiendrai ma promesse…

— Pars donc, — me dit ma femme en sanglotant avec désespoir, — pars donc, et que ma destinée s’accomplisse ! tu l’auras voulu…

— Sampso, — ai-je dit le cœur navré, — de quelle destinée parle-t-elle ?

— Hélas ! ma sœur est accablée depuis ce matin de noirs pressentiments ; ils lui paraissent, ainsi qu’à moi, inexplicables, pourtant elle ne peut les vaincre ; elle se persuade qu’elle ne vous verra plus… ou qu’un grand malheur vous menace pendant votre voyage.

— Ellèn, ma femme bien-aimée, — lui ai-je dit en la serrant contre ma poitrine, — ignores-tu que, si courte que doive être notre séparation, il m’en coûte toujours de m’éloigner d’ici ?… Veux-tu joindre à ce chagrin celui que j’aurai en te laissant ainsi désolée ?

— Pardonne-moi, — me dit Ellèn en faisant un violent effort sur elle-même ; — tu dis vrai, ma faiblesse est indigne de la femme d’un soldat… Tiens, vois je ne pleure plus, je suis calme… tes paroles