Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/248

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Le gouverneur, s’étant un moment interrompu pour donner cours à ses larmes intarissables, poursuivit ainsi :

— Ma résolution est prise… Non-seulement je refuse le pouvoir que l’on m’offre, mais je renonce au gouvernement de Gascogne… Le peu de jours que les dieux m’accordent encore à vivre s’écouleront désormais auprès de mon fils dans la retraite et la douleur. En d’autres temps j’aurais pu rendre quelques services au pays, mais tout est fini pour moi… J’emporterai dans ma solitude de moins cruels regrets en sachant l’avenir de mon pays entre des mains aussi dignes que les vôtres, capitaine Marion… en sachant enfin que Victoria, le divin génie de la Gaule, veillera toujours sur elle. Maintenant, Scanvoch, — ajouta le gouverneur de Gascogne en se tournant vers moi, — ai-je détruit vos soupçons ? Me croyez-vous encore un ambitieux ? Mon langage, mes actes, sont-ils ceux d’un perfide ? d’un traître ? Hélas ! hélas ! je ne pensais pas que les affreux malheurs de cette nuit me donneraient sitôt l’occasion de me justifier…

— Tétrik, — dit Victoria en tendant la main à son parent, — si j’avais pu douter de votre loyauté, je reconnaîtrais à cette heure combien mon erreur était grande…

— Je l’avoue, mes soupçons n’étaient pas fondés, — ai-je ajouté à mon tour ; car, après tout ce que je venais de voir et d’entendre, je fus convaincu, comme Victoria, de l’innocence de son parent… Cependant, songeant toujours au mystère dont les événements de la nuit restaient enveloppés, je dis à Marion, qui, muet et pensif, semblait consterné des offres qu’on lui faisait :

— Capitaine, hier, dans la journée, je vous ai demandé un homme discret et sûr pour me servir d’escorte.

— C’est vrai.

— Vous savez le nom du soldat désigné par vous pour ce service ?

— Ce n’est pas moi qui l’ai choisi… j’ignore son nom.

— Qui donc a fait ce choix ? — demanda Victoria.

— Mon ami Eustache connaît chaque soldat mieux que moi ; je