Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/277

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acclamé par elle… Oui, grâce à vous seule, moi, gouverneur civil, moi, qui de ma vie n’avais touché l’épée, je fus, chose unique jusqu’alors, acclamé chef unique de la Gaule, puisque vous déclariez fièrement de ce jour à l’empereur que la Gaule, désormais indépendante, n’obéirait qu’à un seul chef gaulois librement élu… L’empereur, engagé dans sa désastreuse guerre d’Orient contre la reine Zénobie, votre héroïque émule, l’empereur céda… Seul, je gouvernai notre pays. Ruper, vieux général éprouvé dans les guerres du Rhin, fut chargé du commandement des troupes ; l’armée, dans sa constante idolâtrie pour vous, voulut vous conserver au milieu d’elle… Moi, je m’occupai de développer en Gaule les bienfaits de la paix… Toujours secrètement fidèle à la foi chrétienne, je ne crus pas politique de la confesser publiquement ; je vous ai donc caché à vous-même, Victoria, jusqu’à aujourd’hui, ma conversion à la religion dont le pape est à Rome. Depuis cinq ans la Gaule, prospère au dedans, est respectée au dehors ; j’ai établi le siège de mon gouvernement et du sénat à Bordeaux, tandis que vous restiez au milieu de l’armée qui couvre nos frontières, prête à repousser, soit de nouvelles invasions des Franks, soit les Romains, s’ils voulaient maintenant attenter à notre complète indépendance si chèrement reconquise… Vous le savez, Victoria, je me suis toujours inspiré de votre haute sagesse, soit en venant souvent vous visiter à Trêves, depuis que vous avez quitté Mayence, soit en correspondant journellement avec vous sur les affaires du pays ; mais je ne m’abuse pas, Victoria, et je suis fier de reconnaître cette vérité : votre main toute-puissante m’a seule élevé au pouvoir, seule elle m’y soutient… Oui, du fond de sa modeste maison de Trêves, la mère des camps est de fait impératrice de la Gaule… et moi, malgré le pouvoir dont je jouis, je suis, et je m’en honore, Victoria, je suis votre premier sujet… Ce rapide regard sur le passé était indispensable pour établir nettement la position présente… Ainsi que je vous l’ai dit hier, veuillez vous le rappeler…

— Je ne me souviens plus d’hier… Poursuivez, Tétrik…