Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/291

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ronne impériale pour toi et pour ta race… Oui, de ceci, moi, Victoria, je t’accuse, et je t’accuserai devant le peuple et l’armée, te déclarant traître, renégat, meurtrier, usurpateur… Je vais demander sur l’heure que tu sois jugé par le sénat, et puni de mort pour tes crimes si tu es reconnu coupable !…

Malgré la véhémence des accusations de ma sœur de lait, Tétrik revint à son calme habituel, dont il était un moment sorti pour me menacer, et répondit de sa voix la plus onctueuse :

— Victoria, j’avais cru profitable à la Gaule le projet que je vous ai soumis… n’y pensons plus… Vous m’accusez, je suis prêt à répondre devant le sénat et l’armée… Si ma mort, prononcée par mes juges, à votre instigation, peut être d’un utile enseignement pour le pays, je ne vous disputerai pas le peu de jours qui me restent à vivre. Je reste à Trêves, où j’attendrai la décision du sénat… Adieu, Victoria… l’avenir prouvera qui de vous ou de moi aimait la Gaule d’un amour éclairé… Encore adieu, Victoria…

Et il fit un pas vers la porte ; j’y arrivai avant lui, et, barrant le passage, je m’écriai :

— Tu ne sortiras pas ! tu veux fuir la punition due à tes crimes…

Tétrik me toisa des pieds à la tête avec une hauteur glaciale, et dit en se tournant à demi vers Victoria :

— Quoi ! dans votre maison, de la violence contre un vieillard… contre un parent venu chez vous sans défiance…

— Je respecterai ce qui est sacré en tout pays, l’hospitalité, — répondit la mère des camps. — Vous êtes venu ici librement, vous sortirez librement.

— Ma sœur ! — m’écriai-je, — prenez garde ! votre confiance vous a déjà été funeste…

Victoria, d’un geste, m’interrompit, réfléchit, et dit avec amertume :

— Tu as raison… ma confiance a été funeste au pays ; elle me pèse comme un remords… ne crains rien cette fois.