Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/293

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— Hésus, donne-moi la force d’être équitable, même envers cet homme… Apaise en moi, ô Hésus ! ces bouillonnements de colère qui troubleraient mon jugement !

Mora, ayant entendu quelque bruit derrière la porte, l’ouvrit, et revint dire à sa maîtresse :

— On annonce l’arrivée du capitaine Paul.

Victoria fit signe à Tétrik ; il franchit le seuil en poussant un profond soupir, et en disant d’un accent pénétré :

— Seigneur ! Seigneur ! dissipez l’aveuglement de mes ennemis… pardonnez-leur comme je leur pardonne…

La mère des camps, s’adressant à sa servante au moment où elle sortait sur les pas du chef de la Gaule :

— Mora, j’ai la poitrine en feu… apporte-moi une coupe d’eau mélangée d’un peu de miel.

La servante fit un signe de tête empressé, puis elle disparut ainsi que Tétrik, resté pendant un instant au seuil de la porte.

— Ah ! mon frère ! — murmura Victoria avec accablement lorsque nous fûmes seuls, — ma longue lutte avec cet homme m’a épuisée… la vue du mal me cause un abattement douloureux… je suis brisée ; tiens, prends ma main, elle brûle !

— L’insomnie, l’émotion, l’horreur longtemps contrainte que vous inspirait Tétrik, ont causé votre agitation fiévreuse… Prenez un peu de repos, ma sœur ; je vais aller transcrire votre entretien avec cet homme… Ce soir, justice sera faite.

— Tu as raison ; il me semble que si je pouvais dormir, cela me soulagerait… Va, mon frère, ne quitte pas la maison…

— Voulez-vous que j’envoie Sampso veiller près de vous ?

— Non… je préfère être seule : le sommeil me viendra plus facilement…

Mora parut à ce moment, portant une coupe pleine de breuvage, qu’elle offrit à sa maîtresse. Celle-ci prit le vase et en but le contenu avec avidité. Laissant ma sœur de lait aux soins de sa servante, je re-