Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/309

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mon enfant ; la Gaule est, il est vrai, redevenue province romaine ; mais toutes nos libertés, si chèrement reconquises par nos insurrections sans nombre et payées du sang de nos pères, nous sont conservées : nul n’aurait osé, nul n’oserait maintenant nous les ravir… Nous gardons nos lois, nos coutumes ; nous jouissons de tous nos droits de citoyens ; notre incorporation à l’empire, l’impôt que nous payons au fisc et notre nom de Gaule romaine, tels sont les seuls signes de notre dépendance. Cette chaîne, si légère qu’elle soit, est cependant une chaîne ; nous ou nos fils nous la briseront facilement un jour, je le crois… là n’est pas le péril que je redoute pour notre pays… non, ce péril, si j’en crois les dernières et effrayantes prédictions de Victoria… ce péril qui m’épouvante pour l’avenir, je le vois dans cet amas de hordes frankes, toujours, toujours grossissant de l’autre côté du Rhin… je le vois dans les ténébreuses machinations des évêques de la nouvelle religion…

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Or donc, moi, Scanvoch, pour obéir aux volontés de notre aïeul Joel, le brenn de la tribu de Karnak, j’ai écrit ce récit pour toi, mon fils Aëlguen, dans notre maison, située près des pierres sacrées de la forêt de Karnak.

Ce récit, tracé à plusieurs reprises, je l’ai terminé pendant la vingtième année de ton âge, environ deux cent quatre-vingts ans après que notre aïeule Geneviève a vu mourir sur la croix le jeune homme de Nazareth…

Si quelques événements venaient troubler la vie laborieuse et paisible dont nous jouissons, grâce à la sollicitude de Victoria la Grande, j’écrirais plus tard, sur ce parchemin, d’autres événements.

La mort est souvent soudaine et proche ; demain appartient à Hésus ; je te lègue donc, dès aujourd’hui, à toi, mon fils Aëlguen, ces récits et les reliques de notre famille :

La Faucille d’or de notre aïeule Hêna ;

Le Morceau de collier de fer de notre aïeul Sylvest ;