Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/320

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deux pieds… Il me semble les voir, avec leur figure vieillotte et ratatinée, leurs griffes de chat, leurs pieds de bouc et leurs yeux flamboyants : c’est à frissonner… rien que d’y penser…

— Prends garde, Roselyk, en voici un sous la huche… prends garde !…

— Que tu es imprudent de rire ainsi des Dûs, mon frère Karadeuk ! ils sont vindicatifs… je suis toute tremblante… j’ai failli laisser tomber ce plat…

— Moi, si je rencontrais une bande de ces petits bons hommes, je vous en prendrais deux ou trois paires que je lierais par les pattes comme des chevreaux… et en route pour quelque fondrière bien profonde…

— Oh ! toi, Karadeuk, tu n’as peur de rien…

— Il faut rendre justice aux petits Dûs, s’ils font de la fausse monnaie dans les cavernes de Pen-March, on les dit très-bons maréchaux et sans pareils pour la ferrure des chevaux.

— Oui… fiez-vous-y ; dès qu’un cheval a été ferré par l’un de ces nains du diable, il jette du feu par les naseaux, et de courir… de courir sans plus jamais s’arrêter… jamais, ni jour ni nuit ; voyez un peu la figure de son cavalier !

— Mes enfants, quelle tempête ! quelle nuit !

— Bonne nuit pour les petits Dûs, ma mère ; ils aiment l’orage et les ténèbres, mais mauvaise pour les jolies petites Korrigans (B) qui n’aiment que les douces nuits du mois de mai…

— Certes, moi, j’ai grand’peur de ces nains, velus, griffus, avec leur bourse de fausse monnaie à la ceinture, et leur marteau de forgeron sur l’épaule ; mais j’aurais plus grand’peur encore de rencontrer au bord d’une fontaine solitaire une Korrigan, haute de deux pieds, peignant en se mirant dans l’eau claire ses blonds cheveux, dont elles sont si glorieuses.

— Quoi ! peur de ces jolies petites fées, mon frère Kervan ! moi, au contraire, souvent j’ai tâché d’en rencontrer. On assure qu’elles