Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/88

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cent et généreux ! Courbée sous le joug, la Gaule un jour se relèvera libre et fière, en criant comme toi — Victoire à nos armes ! victoire et liberté ! »




Et Douarnek, ainsi que les trois soldats, répétèrent à voix plus basse ce dernier refrain avec une sorte de pieuse admiration :

« — Celle-là qui a ainsi offert son sang à Hésus pour la délivrance de la Gaule !

» Elle était jeune, elle était belle, elle était sainte !

» Elle s’appelait Hêna, Hêna, la vierge de l’île de Sên ! »




Moi seul je n’ai pas répété avec les soldats le dernier refrain du bardit, tant je me sentais ému.

Douarnek, remarquant mon émotion et mon silence, me dit d’un air surpris :

– Quoi, Scanvoch, voici maintenant que la voix te manque ? Tu restes muet pour achever un chant si glorieux ?

– Tu dis vrai, Douarnek ; c’est parce que ce chant est glorieux pour moi… que tu me vois ému.

– Glorieux pour toi, ce bardit ; je ne te comprends pas ?

– Hêna était fille d’un de mes aïeux !

– Que dis-tu ?

– Hêna était fille de Joel, le brenn de la tribu de Karnak, mort, ainsi que sa femme et presque toute sa famille, à la grande bataille de Vannes, livrée sur terre et sur mer il y a plus de trois siècles ; moi, de père en fils, je descends de Joel.

Le chant d’Hêna était si connu en Gaule que je vis (pourquoi le nier ?) avec un doux orgueil les soldats me regarder presque avec respect.

– Sais-tu, Scanvoch, reprit Douarnek, sais-tu que des rois seraient fiers de tes aïeux ?