Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/90

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offrir en livrant notre peau à ces écorcheurs ? Si tel est l’ordre, en avant ! Allons, enfants, à nos rames !…

– Oublies-tu, Douarnek, que, depuis huit jours, nous sommes en trêve avec les Franks ?

– Il n’y a jamais trêve pour de pareils brigands ?

– Tu vois, j’ai fait, en signe de paix, garnir de feuillage l’avant de notre bateau ; je descendrai seul dans le camp ennemi, une branche de chêne à la main…

– Et ils te massacreront, malgré ta branche de chêne, comme ils ont massacré d’autres envoyés en temps de trêve.

– C’est possible, ami Douarnek ; mais si le chef commande, le soldat obéit. Victoria et son fils m’ont ordonné d’aller au camp des Franks ; j’y vais !

– Ce n’est pas par peur, au moins, Scanvoch, que je te disais que ces sauvages ne nous laisseraient pas nos têtes sur nos épaules… et notre peau sur le corps… J’ai parlé par vieille habitude de sincérité… Allons, ferme, enfants ! ferme à vos rames !… c’est à un ordre de notre mère… de la mère des camps que nous obéissons… En avant ! en avant !… dussions-nous être écorchés vifs par ces barbares, divertissement qu’ils se donnent souvent aux dépens de nos prisonniers.

– On dit aussi, — reprit le jeune soldat d’une voix moins assurée que celle de Douarnek, — on dit aussi que ces prêtresses d’enfer qui suivent les hordes franques mettent parfois nos prisonniers bouillir tout vivants dans de grandes chaudières d’airain, avec certaines herbes magiques.

– Eh ! eh ! — reprit joyeusement Douarnek, — celui de nous qui sera mis ainsi à bouillir, mes enfants, aura du moins l’avantage de goûter le premier de son propre bouillon… cela console… Allons, enfants, ferme sur nos rames ! nous obéissons à un ordre de la mère des camps

– Oh ! nous ramerions droit à un abîme si Victoria l’ordonnait !