Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ce trait de probité, si honorable pour le pauvre artisan, mes enfants, fut l’origine de sa fortune. Clotaire II voulut se l’attacher comme orfévre. Alors Éloi fit ses plus beaux ouvrages : c’étaient des vases d’or ciselés, enrichis de rubis, de perles et de diamants ; des meubles d’argent massif d’un dessin admirable, rehaussés de pierres dures ; c’étaient encore des reliquaires, des patères, des boîtes à Évangile, travaillées à jour et incrustées d’escarboucles… J’ai vu le calice d’or émaillé, de plus d’un pied de haut, qu’il fit pour l’abbaye de Chelles : c’était un miracle d’émail et d’or.

— Cela éblouit, rien que de vous entendre parler de ces beaux ouvrages, père Bonaïk.

— Ah ! mes enfants ! cette salle ne contiendrait pas les chefs-d’œuvre de cet artisan, la gloire de l’orfévrerie gauloise ; les monnaies qu’il a frappées comme monétaire de Clotaire II, de Dagobert et de Clovis II, sont admirables de relief : ce sont des tiers de sou d’or d’une superbe empreinte… Enfin, que vous dirai-je, mes enfants ? Éloi réussissait dans tous les genres d’orfévrerie ; il excellait, comme les orfévres de Limoges, dans l’incrustation des émaux et l’enchâssement des pierres fines ; il excellait encore, comme les orfévres de Paris, dans la statuaire d’or et d’argent au marteau ; il ciselait les bijoux aussi délicatement que les orfévres de Metz, et les étoffes tissées de fils d’or, que l’on fabriquait sous ses yeux, d’après ses dessins, étaient non moins magnifiques que celles de Lyon. Mais aussi, mes enfants, quel rude travailleur que le bon Éloi ! toujours à sa forge au point du jour, toujours le tablier de cuir aux reins, la lime, le marteau ou le burin à la main, souvent il ne quittait son atelier qu’à une heure avancée de la nuit, aidé surtout par l’un de ses apprentis de prédilection, Saxon d’origine, et nommé Thil. Je l’ai connu ce Thil, il était bien vieux alors.

— Éloi n’étant pas esclave, et jouissant des fruits de son travail, a dû devenir très-riche, père Bonaïk !

— Oui, mes enfants, très-riche ; car Dagobert, succédant à Clo-