Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/144

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Éloi s’enquérait d’eux, pour savoir s’ils étaient doucement traités ; mais après la mort du bon Éloi, le père des pauvres et des esclaves, tout changea.

Le vieil orfévre en était là de son récit, lorsque la porte de l’atelier s’ouvrit, et deux nouveaux personnages entrèrent : l’un était le seigneur Ricarik, intendant de l’abbaye, Frank à figure basse et dure ; l’autre était Septimine la Coliberte, de qui Berthoald, plusieurs jours auparavant, avait demandé et obtenu la liberté, ainsi que celle de sa famille. Depuis son départ de l’abbaye de Saint-Saturnin, la pauvre enfant était presque méconnaissable, tant elle avait souffert et pleuré ; elle suivait l’intendant silencieuse et confuse.

— Notre sainte dame l’abbesse Méroflède t’envoie cette esclave, — dit Ricarik au vieil orfévre en lui désignant du geste Septimine, qui, honteuse de se trouver parmi ces jeunes gens, n’osait lever les yeux. — Méroflède l’a achetée hier au juif Mardochée… Il faut que tu apprennes à cette fille à nettoyer les bijoux ; notre sainte abbesse la conservera près d’elle pour cet emploi. Il faut que dans un mois, au plus tard, cette esclave soit dressée à ce service, sinon elle sera châtiée et toi aussi.

À ces mots, la Coliberte tressaillit, et pour la première fois elle osa lever les yeux sur le vieillard, qui, s’approchant d’elle, lui dit avec bonté : — Ne craignez rien, mon enfant ; avec un peu de bon vouloir de votre part nous pourrons satisfaire aux désirs de notre sainte abbesse. Vous travaillerez là, près de moi, et je vous donnerai tous mes soins…

Pour la première fois, depuis longtemps, les traits de la jeune fille exprimèrent d’autres sentiments que ceux de la crainte et du chagrin. Elle leva timidement les yeux sur Bonaïk, et, frappée de la douceur de ses traits vénérables, elle lui dit avec l’accent d’une profonde reconnaissance : — Oh ! merci, bon père ! merci ! d’avoir ainsi pitié de moi.

Tandis que les apprentis échangeaient à voix basse quelques re-