Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/156

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à la souffrance, répétait à demi-voix en contemplant l’abbesse avec une sorte de ravissement : — Qu’elle est belle ! oh ! qu’elle est belle !…

Au bout de quelques instants de ce spectacle, les narines de Méroflède se gonflèrent davantage encore ; la prunelle de ses grands yeux verts, toujours fixés sur le jeune esclave, sembla se dilater ; cette horrible femme appelant alors Ricarik d’une voix légèrement altérée, se pencha sur sa selle, dit au Frank quelques mots à l’oreille ; jetant un dernier regard sur Broute-Saule, elle partit au galop, sans songer à donner aux esclaves et aux colons agenouillés la bénédiction que ces fervents catholiques attendaient de leur sainte abbesse.




Berthoald, en quittant le couvent de Saint-Saturnin, s’était mis en route avec ses hommes, afin de se rendre à l’abbaye de Meriadek, généreux don de Karl-Marteau. La marche de cette troupe de Franks avait été retardée par la rupture de deux ponts, qu’ils trouvèrent à demi démolis sur leur route, et par la dégradation des chemins, où plusieurs fois s’embourbèrent les chariots qui contenaient la part du butin de ces guerriers, ainsi que plusieurs esclaves arabes et gauloises, prises par eux dans les environs de Narbonne, lors du siége de cette ville.

Le surlendemain du jour où Broute-Saule avait été livré aux serres de l’épervier, Berthoald et ses hommes arrivèrent enfin non loin de Nantes. Le soleil baissait, la nuit approchait. Le jeune chef, à cheval, devançait de quelques pas ses compagnons. Parmi ceux-ci, plusieurs nouveaux venus de Germanie, lors des incessantes recrues faites par Karl-Marteau au delà du Rhin, avaient l’air aussi farouches, aussi sauvages que les premiers soldats de Clovis ; comme ceux-là, ils étaient vêtus de peaux de bêtes, et portaient leurs cheveux reliés au