Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/16

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Seigneur veut terrifier les méchants, cette effigie de bronze devra, prodige effrayant, frissonner d’horreur et d’épouvante !. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Une vieille femme richement vêtue et d’une physionomie froide, sardonique, rusée, sortant de la chambre à coucher de Brunehaut, entre dans la salle de la tour. Cette femme, de noble race franque, est Chrotechilde, confidente depuis longues années des crimes et des débauches de la reine ; elle s’approche d’un timbre, le fait vibrer et attend. Bientôt paraît à la porte, qui s’ouvre sur le petit escalier pratiqué dans l’épaisseur du mur, une autre vieille femme ; son costume annonce un rang inférieur :

— J’ai entendu le timbre, noble dame Chrotechilde, me voici.

— Samuel le marchand d’esclaves est-il venu ?

— Depuis une heure il attend dans la salle basse avec deux jeunes filles et un vieillard à longue barbe blanche.

— Qu’est-ce que ce vieillard ?

— Madame, je l’ignore ; c’est sans doute un esclave que le juif Samuel doit conduire ailleurs en sortant d’ici.

— Ordonne à Samuel d’amener à l’instant les deux filles.

La vieille femme disparaît : presque au même instant Brunehaut sort de sa chambre ; cette reine est âgée de soixante-six ou sept ans ; l’on retrouve les traces d’une beauté remarquable sur ses traits, encore moins flétris par l’âge que par la débauche, et par la dévorante ardeur de la haine ou de l’ambition. Son visage blafard, ridé, semble illuminé par le sombre éclat de ses deux grands yeux, profondément caves et cernés ; ils sont noirs comme ses longs sourcils, ses cheveux seuls ont blanchi ; front d’airain, lèvres impassibles, regard profond, port de tête altier, démarche fière, superbe, car sa taille s’est conservée droite et svelte, telle est Brunehaut. À peine entrée, elle prête l’oreille et dit à Chrotechilde :

— Qui vient là, par le petit escalier ?

— Le marchand d’esclaves ; il amène les deux jeunes filles.