Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/18

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approbatif avec Chrotechilde, non moins occupée à examiner l’esclave, et dit à celle-ci :

— De quel pays es-tu ?

— Je suis de la ville de Toul, — répondit la jeune fille d’une voix altérée.

— Aurélie ! Aurélie ! — s’écria Samuel en frappant du pied, — est-ce ainsi que tu te rappelles mes leçons ? On répond : Glorieuse reine, je suis de la ville de Toul… — Et se tournant vers Brunehaut : — Veuillez lui pardonner, madame… mais c’est si naïf, si simple, que…

Brunehaut coupa d’un geste la parole au juif, et s’adressant à l’esclave : — Où as-tu été prise ?

— À Toul, madame, lors du sac de cette ville par les troupes du roi de Bourgogne.

— Étais-tu de condition libre ?

— Oui… mon père était maître armurier.

— Sais-tu lire ? écrire ? As-tu des talents agréables ?

— Je sais lire, écrire, et ma mère m’avait appris à jouer du théorbe et à chanter.

Et en disant qu’elle savait chanter, la malheureuse ne put retenir ses sanglots convulsifs… Elle songeait sans doute à sa mère.

— Allons, pleure encore et pleure toujours ! — maugréa Samuel avec dépit, — voilà ce que tu fais de mieux… mais, vous le savez, grande reine ! on a une certaine dose de larmes à pleurer, après quoi, c’est fini… la poche est vide…

— Tu crois cela, juif ? heureusement tu calomnies l’espèce humaine, — reprit la reine avec un cruel sourire en continuant d’examiner la jeune fille, à qui elle dit : — Tu n’as été jusqu’ici esclave nulle part ?

— Foi de Samuel, illustre reine, elle est aussi naïve à l’esclavage qu’un enfant dans le sein de sa mère ! — s’écria le juif, voyant la jeune Gauloise éclater en sanglots et hors d’état de répondre. —