Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/201

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doigt vers le ciel, comme pour dire à son fils de se confier au dieu de ses pères. Amael, à la vue de sa mère et de Septimine, dont la douce image lui était toujours restée présente depuis leur première entrevue au couvent de Saint-Saturnin, joignit ses mains avec force, et ses traits exprimèrent à la fois résignation, respect, reconnaissance.

— Et maintenant, mes enfants, — dit l’orfévre aux jeunes esclaves, — prenez vos limes et sciez les barreaux ; moi et l’un de vous, nous allons mettre le creuset sur le brasier, y fondre les métaux. Ricarik peut venir, il faut qu’il nous croie occupés de notre fonte. La porte est fermée en dedans : vous, Rosen-Aër, restez près de l’entrée du caveau, afin de pouvoir vous y cacher dans le cas où ce maudit intendant reviendrait ici, ce qui est peu probable, car, sa tournée du matin finie, nous ne le revoyons, Dieu merci, presque jamais dans la journée ; mais la moindre imprudence pourrait nous perdre tous !




La nuit est venue, l’abbesse Méroflède, vêtue de ses habits religieux, est à demi couchée sur le lit de la salle du festin, où, la veille, Amael s’est assis près d’elle : le pâle visage de cette femme est sinistre, pensif. Ricarik, assis devant la table éclairée par un flambeau de cire, vient d’écrire une lettre sous la dictée de l’abbesse : — Madame, — lui dit-il, — vous n’avez plus qu’à apposer votre signature sur cette missive à l’évêque de Nantes. — Et comme Méroflède ne répondait pas, absorbée qu’elle était dans ses pensées, l’intendant reprit d’une voix plus haute : — Madame, j’attends votre signature.

Alors, Méroflède, le front appuyé sur sa main, l’œil fixe, le sein palpitant, dit à l’intendant d’une voix lente et creuse : — Lorsque ce matin tu es allé le revoir dans ce cachot, que t’a-t-il dit ?

— De qui parlez-vous, madame ?

— Eh ! de qui te parlerai-je, sinon de Berthoald ?

— Il est, madame, resté muet et sombre.