Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/238

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de compagnie, et nous vous conduisons au palais de l’empereur Karl le Grand, le plus puissant monarque du monde. Enfin, l’on désarme les prisonniers, et ton grand-père, ainsi que toi, vous gardez vos épées.

— À quoi bon maintenant nos épées ? — répondit Vortigern avec une douloureuse amertume, — la Bretagne est vaincue !

— C’est la chance de la guerre. Tu as fait bravement ton devoir de soldat ; tu t’es battu comme un démon aux côtés de ton aïeul. Il n’a pas été blessé ; tu n’as reçu qu’un coup de lance, et, par le vaillant dieu Mars ! vous frappiez tous deux si dru dans la mêlée, que vous auriez dû être hachés en morceaux.

— Au moins, nous n’aurions pas survécu à la honte de l’Armorique !

— Il n’y pas de honte à être vaincu lorsqu’on s’est vaillamment défendu, et surtout lorsqu’on a combattu, décimé les vieilles bandes du grand Karl !

— Pas un des soldats de ton empereur n’aurait dû échapper !

— Pas un seul ? — reprit gaiement le jeune Romain. — Quoi ! pas même moi… qui tâche d’être à ton égard bon compagnon de route et de t’égayer ?

— Octave, je ne te hais pas personnellement ; je hais ceux de ta race ; ils ont porté sans raison la guerre et le ravage dans mon pays.

— D’abord, mon jeune ami, je ne suis pas de race franque, je suis de race romaine… Je t’abandonne ces grossiers Germains, aussi sauvages que les ours de leurs forêts ; mais, entre nous, cette guerre de Bretagne ne manquait pas de motifs : voyons, n’avez-vous pas, endiablés que vous êtes, attaqué, exterminé, l’an dernier, la garnison franque établie à Vannes ?

— Et de quel droit Karl, il y a vingt-cinq ans, a-t-il fait envahir nos frontières par ses troupes ?

L’entretien de Vortigern et d’Octave fut interrompu par la voix