Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/249

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

menait de Bretagne. La foule reconnut qu’elle s’était trompée en acclamant l’empereur ; mais cette fausse nouvelle se propageant bientôt dans l’intérieur du palais, les concubines de Karl, ses filles, ses petites-filles, leurs suivantes, accoururent soudain et se groupèrent sur une vaste terrasse régnant au-dessus du portique dont les deux Bretons et leur escorte se trouvaient fort rapprochés.

— Lève les yeux, Vortigern, — dit en riant Octave à son compagnon, — et vois quel essaim de beautés renferme le palais de l’empereur !

Le jeune Breton, rougissant, jeta les yeux sur la terrasse, et resta frappé d’étonnement à la vue de vingt-cinq ou trente femmes, toutes filles, petites-filles ou concubines de Karl, vêtues à la mode franque, et offrant à la vue la plus séduisante variété de figures, de chevelures, de tailles, d’âge, de beauté, qu’il fût possible d’imaginer ; il y avait là des femmes brunes, blondes, rousses, châtaines, grandes, grosses, minces ou petites ; c’était, en un mot, un échantillon complet de la race féminine germanique, depuis la fillette jusqu’à l’imposante matrone de quarante ans. Les yeux de Vortigern s’étaient, de préférence, arrêtés sur une enfant de quinze ans au plus, vêtue d’une tunique vert-pâle, brodée d’argent. Rien de plus doux que son rose et frais visage couronné de longues tresses blondes si épaisses, que son cou délicat, blanc comme celui d’un cygne, semblait ployer sous le poids de sa chevelure. Une autre jeune fille de vingt ans, brune, grande, forte, aux yeux hardis et aux cheveux noirs, vêtue d’une tunique orange, s’accoudait sur les balustres de la terrasse, à côté de la jeune enfant blonde, et appuyait familièrement son bras sur son épaule ; toutes deux tenaient à la main un bouquet de romarin dont elles aspiraient de temps à autre la senteur en se parlant à voix basse et regardant le groupe des cavaliers avec une curiosité croissante, car elles venaient d’apprendre que l’escorte n’était pas celle de l’empereur, mais qu’elle amenait des otages bretons.

— Rends grâce à mon amitié, Vortigern, — dit à demi-voix Oc-