Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/261

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— Si je mérite quelques éloges, il faut les adresser à mon grand-père, — répondit modestement Vortigern ; — c’est lui qui m’a appris à monter à cheval.

— J’aime cette réponse, mon garçon ; elle me prouve ta modestie et ton respect pour les vieilles gens. Maintenant, dis-moi, es-tu savant ? Sais-tu lire et écrire ?

— Oui, grâce aux enseignements de ma mère.

— Sais-tu chanter la messe au lutrin ?

— Moi ! — reprit Vortigern fort étonné, — moi, chanter la messe ! Non, non, l’on ne chante guère la messe chez nous.

— Les voyez-vous, ces païens bretons ! — s’écria Karl. — Ah ! mes évêques ont raison, c’est un peuple endiablé que ce peuple armoricain ! Quel dommage qu’un si beau et si modeste garçon ne sache point chanter au lutrin ! — Et, mettant son bonnet de fourrure sur sa grosse tête et s’appuyant sur sa canne, l’empereur dit au vieillard : — Allons, suis-moi, seigneur breton. Ah ! tu ne connais que Karl le Batailleur ? Je vais t’en faire voir un autre Karl, moi, que tu ne connais pas. Viens, viens ! — Et l’empereur, boitant et s’appuyant sur sa canne, se dirigea vers la porte en faisant signe aux assistants de le suivre ; mais, s’arrêtant au seuil, il dit à Octave : — Va prévenir Hugh, mon grand veneur, que je chasserai tantôt le cerf dans la forêt d’Oppenheim, qu’il y envoie la meute.

— Auguste prince, vos ordres seront exécutés.

— Tu diras aussi au grand Nomenclateur de ma table (O), que peut-être je dînerai dans le pavillon de la forêt, si la chasse se prolonge. Ma suite dînera aussi ; que le festin soit somptueux. Quant à moi, tu diras au Nomenclateur que mon goût n’a pas varié : un bon gros cuisseau de venaison rôti, que l’on m’apporte tout fumant sur la broche, c’est toujours mon régal (P).

Le jeune Romain s’inclina de nouveau ; Karl sortit le premier de la chambre, puis Eginhard et Amael. Octave s’approchant alors de Vortigern, lui dit tout bas : — Je vais faire savoir à l’appartement des