Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/284

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— On me l’a dit.

— Combien elle a dû pleurer en te quittant

— Ma mère a du courage. Ses dernières paroles ont été celles-ci : « Tu t’en vas comme otage en pays ennemi… quoi qu’il arrive, honore et fais honorer le nom breton. »

— C’est vrai ! Nous sommes, nous autres Franks, les ennemis des gens de ton pays ; et pourtant je ne me sens contre toi aucune inimitié… Et toi, en as-tu contre moi ?

— Comment serais-je l’ennemi d’une jeune fille ?

— As-tu des sœurs ?

— J’en ai une.

— Est-ce qu’elle te ressemble ?

— Nous ressemblons tous deux à notre mère.

— Tu dois être très-chagrin d’être éloigné de ton pays ? Veux-tu que je demande à l’empereur, mon père, de te faire grâce à toi et à ton aïeul ?

— Grâce !… Un Breton ne demande jamais grâce ! — s’écria fièrement Vortigern. — Moi et mon grand-père nous sommes otages, prisonniers sur parole ; nous subirons la loi de la guerre sans demander jamais de grâce.

— Tant mieux ! oh ! tant mieux !

— Que voulez-vous dire ?

— Ton grand-père et toi vous resterez alors longtemps ici.

Un nouveau silence suivit cet entretien ; bientôt, ainsi que l’avait prévu Vortigern, l’épais brouillard se changea en une pluie fine et pénétrante. — Voici la pluie, — dit le jeune Breton, — elle va mouiller vos vêtements ! c’est à se désespérer ! L’on n’entend rien, rien, et l’on dirait cette route sans fin ; mais en voilà une à gauche, si nous la prenions ?

— Prenons-la ! — dit Thétralde avec indifférence, et elle changea la direction de sa haquenée. Vortigern arrêta soudain son cheval, déboucla le ceinturon de son épée, ceinturon et épée qu’il plaça à