Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/286

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Vortigern aperçut en effet, sous une futaie de châtaigniers séculaires, une hutte construite d’épaisses mottes de terre entassées les unes sur les autres. Une étroite ouverture donnait accès dans cette tanière, devant laquelle fumaient quelques débris de broussailles naguère allumées. — C’est une de ces cabanes où les esclaves bûcherons se retirent durant le jour lorsqu’il pleut, — dit Thétralde ; — nous serons là-dedans à l’abri. Attache ton cheval à un arbre et aide-moi à descendre de ma haquenée.

À la seule pensée de partager ce réduit solitaire avec la jeune fille, Vortigern sentit son cœur tour à tour se serrer et s’épanouir ; une chaleur brûlante lui monta au visage et pourtant il frissonnait ; mais après un moment d’hésitation, obéissant aux ordres de sa compagne, il attacha son cheval à un arbre, et pour aider la jeune fille qui se penchait vers lui à descendre de sa monture, il lui tendit les bras et y reçut bientôt le corps souple et léger de Thétralde. À ce contact, l’émotion de Vortigern fut si profonde qu’il se sentit presque défaillir ; mais la fille de Karl, courant vers la cabane avec une curiosité enfantine, s’écria gaiement : — Il y a dans la hutte un banc de mousse et une provision de bois sec, nous allons faire du feu, il reste encore de la braise. Viens vite, viens vite !

L’adolescent accourait rejoindre sa compagne lorsqu’il trébucha sur un corps rond qui roula sous son pied ; il se baissa et vit sur le sol un grand nombre de gousses épineuses tombées des immenses châtaigniers de cette futaie. Cédant à la mobilité des impressions de son âge, il dit vivement : — Grande découverte ! des châtaignes ! des châtaignes !

— Quel bonheur ! — reprit non moins gaiement Thétralde, — nous ferons griller ces châtaignes ; je vais les ramasser pendant que tu rallumeras le feu !

Le jeune Breton se rendit d’autant plus volontiers aux désirs de sa compagne, qu’il espérait trouver dans ces jeux un refuge contre les pensées vagues, tumultueuses, ardentes, remplies de charme et d’an-