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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/320

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manquaient pas un office et brodaient des chasubles pour les évêques ! Enfin, le Seigneur Dieu, qui m’a toujours été secourable en toutes choses, a voulu me frapper dans ma famille, que sa volonté soit faite ! Je suis un malheureux père ! — Et appelant le jeune Romain, il lui dit d’une voix redoutable : — Octave, personne… tu m’entends, personne… ne doit savoir que ma fille a passé une partie de la nuit dans cette cabane avec ce jeune homme, car la malignité n’épargne pas même ce qu’il y a de plus chaste, de plus respectable au monde. Le secret de cette nuit n’est connu que de moi, de ma fille et de ces deux Bretons ; je suis aussi certain de leur discrétion que de la mienne et de celle de Thétralde. Rappelle-toi ceci : tu es perdu si un seul mot de cette aventure circule à la cour ; en ce cas, toi seul aurais parlé ; si, au contraire, tu me gardes le secret, tu peux compter sur ma faveur croissante.

— Auguste empereur, ce secret, je l’emporterai dans la tombe.

— J’y compte : amène mon cheval et celui de ma fille ; tu vas nous accompagner au pavillon de chasse, puis à Aix-la-Chapelle ; tu commanderas l’escorte que je donne à ces deux otages pour retourner en leur pays ; je te remettrai un ordre pour le commandant de mon armée en Bretagne. Demain, au point du jour, tu te rendras au pavillon de la forêt avec l’escorte, et vous partirez aussitôt pour l’Armorique.

Octave s’inclina. L’empereur dit alors à Amael : — La lune s’est levée, elle éclaire suffisamment la route. Monte à cheval avec ton petit-fils, suis cette allée jusqu’à ce que tu te trouves dans un carrefour ; tu t’y arrêteras ; c’est là que, par mes ordres, l’on viendra bientôt te chercher pour te conduire au pavillon d’où tu partiras demain au point du jour. Que ton peuple soit fidèle à ta parole, je serai fidèle à la mienne. Si tu trouves que l’empereur Karl mérite que l’on dise quelque bien de lui, dis-le en ton pays. Et maintenant, adieu.

Amael alla rejoindre son petit-fils, qu’il trouva profondément pensif, assis au bord de la route, sur un tronc d’arbre, sa figure cachée