Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/347

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son carquois au côté ; pas un de ses traits ne manquait son but. Terrible boucherie ! superbe carnage ! les cris de guerre et de triomphe des Gaulois armoricains répondaient aux imprécations des Franks ! terrible boucherie ! superbe carnage ! cela dura tant que nos hommes eurent à lancer une pierre, un trait, un épieu. Ses munitions et celles de ses compagnons épuisées, Vortigern s’écria de la cime d’un rocher, en faisant aux Franks un geste de défi : — Nous défendrons ainsi notre sol pied à pied ; chacun de vos pas sera marqué par votre sang ou par le nôtre : toutes nos tribus ne sont pas lâches et traîtres comme celles de Kervor, le bon catholique ! — Et Vortigern entonna le chant guerrier laissé par son aïeul Scanvoch, le frère de lait de Victoria la Grande : « — Ce matin nous disions : — Combien sont-ils donc ces Franks ? — Combien sont-ils donc ces barbares ? — Ce soir nous dirons : — Combien étaient-ils ces Franks ? — Combien étaient-ils ces barbares ? »


le marais de peulven.


Le marais de Peulven est immense ; il forme, à l’est et au sud, une sorte de baie ; ses rives sont bordées par la lisière de l’épaisse forêt de Cardik ; au, nord et à l’ouest. il baigne la pente adoucie des collines qui succèdent aux derniers chaînons des montagnes Noires dont les cimes apparaissent à l’horizon, empourprées par les derniers rayons du soleil ; une jetée, ou langue de terre aboutissant aux confins de la forêt, traverse le marais de Peulven dans toute sa longueur ; le silence est profond dans cette solitude ; les eaux dormantes réfléchissent les teintes enflammées du couchant, de temps à autres des volées de courlis, de hérons et d’autres oiseaux aquatiques, s’élevant du milieu des roseaux dont le marais est en partie couvert, tournoient ou montent vers le ciel en poussant leurs cris plaintifs. Plusieurs cavaliers franks, après avoir gravi le revers de la colline, arrivent à son faîte, y arrêtent leurs chevaux, leurs regards plongent au loin sur le marais, et après quelques moments