Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/359

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de ces flots embrasés qui arrivent sur leur droite avec la vitesse de l’ouragan, les Franks hésitent un moment : à leur gauche est une rivière profonde, derrière eux la forêt de Cardik, devant eux la pente du plateau qui s’abaisse vers la vallée de Lokfern ; Louis-le-Pieux, se sauvant à toute bride dans la direction de cette vallée, donne à ses troupes le signal de la fuite, espérant sortir du plateau avant que les flammes, envahissant la lande entière, aient coupé tout passage à l’armée. La cavalerie, impatiente d’échapper au péril, rompt ses rangs, suit l’exemple du roi frank, traverse les cohortes d’infanterie, les culbute, leur passe sur le corps. Elles se débandent ; le désordre, le tumulte, la terreur sont à leur comble : les flots de feu avancent, avancent toujours… La course la plus impétueuse ne saurait longtemps les devancer. L’immense nappe de feu atteint d’abord les soldats renversés, mutilés par le choc de la cavalerie, enveloppe ensuite le gros de l’armée ; en un instant, les phalanges effarées sont dans la flamme jusqu’au ventre. Par la vaillance de nos pères ! c’est l’enfer des damnés en ce monde ! douleurs atroces ! inouïes ! gai spectacle pour l’œil d’un Gaulois breton ! des cavaliers franks, bardés de fer, tombés de leurs chevaux, grillent dans leur armure rougie, comme tortues dans leurs écailles ; des piétons font des sauts réjouissants pour échapper au flot embrasé ; il les rejoint, les devance ; leurs pieds, leurs jambes, brûlés jusqu’aux os ne peuvent plus les soutenir, ils s’affaissent, ils tombent dans la fournaise en poussant des hurlements affreux ; des chevaux, malgré leur course haletante, sentant la flamme qui les poursuit dévorer leur flancs et leurs entrailles, deviennent furieux ; frappés de vertige, ils se cabrent, se renversent sur leurs cavaliers ; chevaux et cavaliers roulent au milieu du feu : les chevaux hennissent, les hommes gémissent ou hurlent ; un immense concert d’imprécations, de cris de douleur et de rage, monte vers l’azur du ciel avec la flamme de ce magnifique hécatombe de guerriers franks ! Oh ! qu’elle était belle à voir, la lande de Kennor, rouge et fumante encore, une heure après son