Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/63

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— Commence par l’aîné, — dit Clotaire II d’une voix sourde et brève ; — dépêchons, dépêchons…

Les deux enfants se rencognèrent dans l’angle du mur où était appuyé le grabat, et s’enlacèrent étroitement dans les bras l’un de l’autre.

— Grâce ! — criait Sigebert d’une voix plaintive et étouffée, — grâce pour mon frère ! grâce pour moi !

— Nous sommes fils de roi ! — criait Corbe avec plus de colère encore que d’épouvante. — Si vous nous faites du mal, ma grand’mère vous tuera tous !…

À ce moment le petit Mérovée, enfin éveillé par le bruit, s’assit sur son séant et regarda autour de lui avec surprise, mais sans terreur… Cet enfant de six ans ne pouvait comprendre ce dont il s’agissait, et, se frottant les yeux, il tournait de-ci, de-là, sa petite tête aux yeux encore bouffis par le sommeil, regardant tour à tour les quatre nouveaux venus et ses frères, comme pour leur demander ce que cela signifiait. L’un des bourreaux, à ces mots du roi : — Commence par l’aîné, — s’était emparé de Sigebert… La pauvre créature, plus morte que vive, ne fit aucune résistance ; il se laissa garrotter les pieds et les mains ainsi que l’agneau se laisse garrotter par le boucher ; il murmurait seulement d’une voix dolente, en tâchant de tourner la tête vers Clotaire II : — Seigneur roi ! bon seigneur roi, ne nous faites pas mourir… Pourquoi nous tuer ? nous serons esclaves si vous voulez… Envoyez-nous garder vos troupeaux bien loin d’ici ; nous vous obéirons en tout ; seulement, grâce, bon seigneur roi ! grâce de la vie pour mes petits frères et pour moi !…

Clotaire II, digne petit-fils du tueur d’enfants, resta impassible aux prières de sa victime, il dit seulement au bourreau : — Hâtons-nous…

Sigebert passa des mains de l’un des bourreaux dans celles de l’autre : l’enfant avait les bras liés derrière le dos et les jambes aussi attachées ; sa défaillance l’empêchait de se tenir debout. Il tomba sur ses deux genoux aux pieds de l’égorgeur… Celui-ci prit l’enfant par sa longue chevelure, avança l’un de ses genoux, y appuya forte-